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Histoire du Canada par M. l’abbé de Belmont

Par François (?) Vachon de Belmont

[Publié par la Literary and Historical Society of Quebec dans Historical Documents, Series 1, Vol. 2, No. 4 (1840)]

L'AN 1608 M. Champlain fonda la Ville de Québec, et fit alliance avec les Algonquins qui y habitoient. Il les mena à la guerre contre les Agniers dans la Rivière de Richelieu : il les défit par ses mousquetiers au Lac Champlain.

Il fit durant vingt ans la découverte des Hurons, Athistarëronnons, Neutres, etc. ; fut plusieurs fois en France ; en fut Lieutenant du Roy sous MM. de Soissons, Montmorency, Ventadour. II fit venir les Récollets en 1615; puis les Jésuites furent fondés en 1625 par un homme qui, entrant dans la compagnie, donna 1625. 16,000 écus.

Québec fut assiégé en 1629 par trois bâtimens anglois, et capitula après avoir attendu secours pendant un an; et selon la capitulation se rendit. Deux ans après, c'est-à-dire en 1632, il fut

rendu, avec accord que le païs serait aux François depuis…..méridien, et au…..En 1640 les Hollandois s'établirent sur la Rivière d'Orange dit Ohioye, donnant des armes aux Iroquois. Les Pènes Lanoue, Le Jeune, Lemoine, Brébœuf, Lallemant et Buteux furent aux Hurons, et composèrent une Grammaire huronne.

M. de la Doversière, Trésorier, à La Flèche, homme d'une grande sainteté, eut une vision de l'Isle de Montréal, avec mouvement d'y établir une Colonie ; il consulte le Père la Chaise qui approuve ce dessein ; le dit à M. le Baron de Fancamp et se lie avec luy. M. de la Doversière va à Paris pour ce dessein, rencontre M. Ollier au Luxembourg, lequel l'embrasse, luy dit son dessein, l'encourage; lui donne cent louis d'or, et s'unit avec eux: va négocier avec M. de Lauzon, à qui l'isle appartenoit, accompagné du Père Lallemant. Le Traité entre M. de Lauzon et la Compagnie de Montréal se passe à Vienne. A son retour, M. de la Doversière logea dans une auberge où il fit rencontre d'un gentilhomme Champenois qui venoit de la guerre de Hollande, nommé M. de Maisonneuve qui, entendant parler d'un embarquement qu'on faisoit pour Montréal, vint s'offrir au Père Lallemant, qui le donna à : M. de la Doversière.

Tous les Ducs, Princes, et toute la Cour, fournirent ou donnèrent des privilèges d'indépendance au Gouverneur, etc. Le premier embarquement fut de 75,000 francs et de 45 hommes. Mademoiselle Manse, native de Langres, entendant parler avec zèle à un Chanoine de Madame de la Peltrie qui avoit amené des Ursulines en Canada, et des Hospitalières fondées par Made. D'Aiguillon, sentit un désir de venir en Canada; elle le communiqua, vint à Paris, parler au Père Lallemant, au Père le Jeune qui, à la seconde visite, approuva sa vocation qui se divulgue, enfin qui est approuvée par le Père Rapin, Provincial des Récollets.

Madame de Villevoisin, et Madame de Bullion luy proposent le gouvernement de l'Hospital, lui donnent 22,000 lbs. Elle part pour la Rochelle, y prend par le moyen du Père la Place la connoissance de MM. de la Doversière et Fancamp; s'embarque en un navire, séparée de M. de Maisonneuve, qui relâcha trois fois et perdit son chirurgien.

Mademoiselle Manse arriva la première. On fut fort surpris à Québec du pouvoir et de l'indépendance de M. de Maisonneuve. On voulut détourner Mademoiselle Manse. M. de Maisonneuve arriva à Tadousac où il trouva M. Carron, Amiral de la flotte de Canada, qui lui donna un chirurgien. M. de Montmagny, Lieûtenant du Roy, voulut détourner M. de Maisonneuve de venir à Montréal, et lui offrit l'Isle d'Orléans. Il lui dit qu'il ne venoit pas pour délibérer, et quand tous les arbres seroient changés en Iroquois, il froit sa commission. M. de Montmagny changea de pensée, et l'accompagna à Montréal au mois d'Octobre.

Au retour M. de Maisonneuve, M. de Puiseaux, vieillard, lui donna sa belle maison d'habitation et s'associa à la Compagnie ; il fit bâtir une bagarre, deux barques, avec quoy il partit le 8 May. M. de Montmagny vint à Montréal, et l'on y dit la première messe le 18 May, 1641. On choisit un angle de terre que fait une rivière qui entre dans le fleuve vis-à-vis un petit islet, pour bastir un Fort, à quoy on s'employa toute l'année sans estre apperçu des Iroquois.

On eut nouvelle que la Compagnie étoit de 45 personnes de qualité: MM. de Liancourt, Barreau, Marguerite, Gofreventy, Morangis, Chodebonne, Plessis, Mombart, St. Frémin, Orval, Drouart, Le Prestre, M. de Bretonvilliers, de Kélus, Madame la Princesse, la Chancellière, Villeclavin, surtout Madame de Bullion.

Le 19 Mars, 1642, la charpente fut levée; on mit le canon dessus. On avoit amené 12 hommes entre lesquels estaient M. Minime, charpentier.

En 1643 M. de Maisonneuve fut en France, et Madlle. Manse consentit que les 22,000 lbs. qui estoient en dépost des bienfaits de Made, de Bullion, fussent employés à engager cent hommes, Isquels défricheroient cent arpens de terre qui seroient le payement des 22,000 livres, et qui sauveroient le pays et l'hospital; ce qui fut fait.

Dix Algonquins aiant tué un Iroquois en leur pays, furent poursuivis par la rivière jusqu'au Fort. Les Iroquois qui ne connaissoient point ce poste le reconnurent.

Au mois de Juin 1643, les Hurons descendant en traitte, ayant trouvé les Iroquois à la Chine, leur dire notre poste et notre nombre. Quarante Iroquois montent et surprennent six hommes qui scioient dans les bois, en tuent deux, emmènent le reste, et le lendemain les Hurons furent eux-mêmes taillés en pièces ; il ne s'en sauva que 30 qui furent reçus au Fort. Les Iroquois passèrent à la Prairie et ne purent emporter tout le castor. L'un des François se sauva et vint reprendre le castor abandonné, et passa la rivière sur un méchant canot.

En 1645 M. Daillebout, gentilhomme de Champagne, sa femme et sa belle-soeur, vinrent s'habituer icy. Le Roy Louis Treize À donna un Navire de 250 tonneaux à la Compagnie, du Canon, etc. . Madame de Bullion fait une donation de 2000 lbs. de rente pour l'Hospital, 12,000 lbs. pour bastir, 2000 lbs. à Mlle. Manse pour faire des aumosnes, et on mit le tout entre les mains du procureur de la Compagnie. M. de Puiseaux se répent de sa donation; on la luy rend. Madame de la Peltrie descend à Québec. M. de Maisonneuve, avec 30 hommes fait un combat contre les Iroquois et fait une belle retraite, faisant passer devant tout son monde, et, restant seul, il se battit contre le commandant des Iroquois et le tua d'un coup de pistolet. L'un de ses pistolets, ayant raté, le corps du défunt amusa les Iroquois, et donna lieu à la retraite : c'était dans les neiges, audessus de chez La Vigne.

En 1646 Made, de Bullion envoya 20000 livres ,trois Chapelles. M. de la Barre, grand hypocrite, amena 60 hommes; on bastit l'Hospital. Un Iroquois monte sur un arbre ; on place par mégarde un corps de garde au pied : on fit une paix fourrée. Il fit achever le Fort, faire des boutiques ; les pieux estoient de deux brasses, et il y avoit quatre bastions.

M. de Maisonneuve repasse en France pour la mort de son père, Madame de Bullion met vingt mille livres en rente entre les mains de la Compagnie, et envoyé deux mille livres à Madlle. Manse. M. Daillebout demeure Commandant en 1646. M. Lemoine qui avoit servy les Pères fut envoyé demeurer icy pour estre l'interprète ; en 1641, il vint de France.

En 1647 M. de Maisonneuve revint, ayant trouvé son beaufrère  assassiné, avec sa mère remariée. La guerre recommença. Les Iroquois brûlent le Richelieu, tuent les Algonquins et Hurons qui voulaient trahir les Français, les attirant hors du Fort.

M. de Maisonneuve pouvoit estre Gouverneur du Canada, mais il fit donner le Gouvernment à M. Daillebout, et le fit repasser en France.

En 1648 les Iroquois saccagent le pays des Hurons qui se firent Iroquois, et grossyrent leur party. Ils viennent à Montréal, font mille trahisons, demandent à parler de paix. Lemoine et Norman-ville sortent ; ils enveloppent Normanville. Lemoine couche en joue deux Iroquois qui estoient près de luy, ce qui fait ramener Normanville. On fit un Moulin, un Fort. Ils ne tuèrent qu'un seul homme, en blessèrent beaucoup.

M. Daillebout vient Gouverneur. M. Gofré avoit légué 80,000 lbs. pour un Evesché : elles furent perdues pour n'avoir diligemment poursuivy l'affaire. On augmente la Garnison de six soldats, et les appointerons qui n'estoient que de 3,000 lbs. sont augmentés de mille francs. Il se fit une grande Compagnie des Indes qui détruisit celle de Montréal.

En 1649 M. Daillebout envoya un camp volant de 40 hommes spus M, Demousseau son neveu. Le Père Rapin mourut. M. de la Doversière qui avoit tout ce que Madame de Bullion avoit donné à l'Hospital fait banqueroute. La Compagnie se dissippe. Mlle. Manse apprenant ces nouvelles, passe en France en 1650, pour rendre compte à Madame de Bullion. Les Hurons furent entièrement saccagez. Les Pères Lallemant et Brébeuf bruslés. Tous les Iroquois défiloient chez les François. De 3,500, il n'en resta que 600 qui furent icy, et quelques 500 qui rôdèrent en divers lieux vers le Lac Supérieur, toujours poursuivis, et enfin s'arrêtèrent chez les Kipakous. Mlle. Manse fait réunir les Messieurs de la Compagnie par acte dans le Chastelet. M. Ollier est fait Directeur.

Chicot, M. Boudart et sa femme sont attaqués par dix Iroquois ; Boudart estoit sauvé, mais entendant la voix de sa femme, voulant la sauver, il se fit tuer pour la sauver. M. Lemoine, Archambault, et un autre, les voulant secourir, furent coupez par 40 Iroquois et essuyèrent leur décharge qui fut sans effet; ils s'enfuyrent dans l'Hospital dont ils trouvèrent la porte ouverte, avec Mlle. Manse seule, qui assurément auroit été prise et l'Hospital bruslé sans leur fuite. Chicot s'étoit caché; ils le trouvèrent et le vouloient amener, mais il se défendit si fort qu'ils lui levèrent la chevelure; ils bruslèrent cruellement la femme.

Quatre François furent attaqués le 18 Juin, et s'estant jettes dans une méchante redoute à la Pointe St. Charles, commencèrent à fusiller. Le nommé La Vigne qui estoit proche, entendant le bruit, s'en va à travers les fredoches essuyant le feu des ennemis. Le combat recommença, M. Lemoine y accourut, et les ennemis perdirent 30 hommes ; une partie du reste fut blessé, deux des nostres tués et deux blessés.

En 1652 M. de Lauzon fut Gouverneur à la place de M. Daillebout ; persécuta Lemoine ,et retrancha mille livres à M. de Maisonneuve que la Compagnie lui donnoit, dont il fut puny, en ce que les Iroquois prirent dans cette année le reste des Hurons réfugiés à l'Isle d'Orléans, tuèrent l'aisné et une partie delà famille du Sieur de Lauzon ; le tout à la vue de Québec. Le Montréal étoit dans un grand péril. Mademoiselle Manse et M. de Maisonneuve convinrent qu'il repasseroit en France, et prendrait les 22,000 livres que Madame de Bullion avoit données pour un secours, à condition que l'Hospital auroit la moitié de la métairie de la Seigneurie, quoiqu'elle ne valut pas la dite somme, afin de sauver et l'Hospital et le Païs. Made, de Bullion approuva ce traité et donna encore 2,000 livres. M. de Maisonneuve laissa M. de Mousseau en sa place.

Le 14 Octobre 1653, des aboys de chiens font connoistre que les ennemis sont proches. M. Closse, Major, fut commandé avec 24 hommes. Il détacha Bostom et Lagachetière ; ce dernier fut tué et tua son ennemi en tombant; l'autre se sauve en une maison de terre. M. Closse fut investy par 200 Iroquois, passe à travers leur feu et se jette dans la maison avec ses 24 hommes. La poudre manque à M. Closse. Bostom sort à la faveur du feu de nos gens, passe à travers les dits ennemis assiégeant la maison, va au château, revient avec 10 hommes et 2 pièces de campagne qui viennent à la faveur d'un petit radeau, tire tout d'un coup ses deux pièces de canon. M. Closse fait une sortie et fait entrer le secours. Les Iroquois perdirent 20 hommes, et plus de 50 estropiés de bras et de jambes.

|M. de Lauzon envoya, malgré luy, 10 hommes sans armes et sans vivres, dont l'un estoit M. de St. Ange. La bonne femme Parmanda se défendit vaillamment ; elle eut trois coups de hache, et donna un soufflet à un Français. M. du Plessis fut tué avec quinze hommes ; il étoit Gouverneur des Trois-Rivières : il venoit de conduire Mademoiselle Manse.

M. de Maisonneuve demeura encore en France. M. de Lauzon envoye une barque qui eut peur que le château ne fût rendu, et s'en retourna sans rien faire.

Les Trois-Rivières sont bloquées. Madlle. Manse estant à Québec, apprend que M. de Maisonneuve venoit avec 150 hommes. Le Père Poncet fut pris prosche Québec; il laissa au lieu de sa prise un papier qui donna connoissance que les Trois-Rivières estaient investies ; quelques François qui le voulurent aller secourir ne l'ayant pu joindre, allèrent aux Trois-Rivières et se jettèrent dedans à la faveur de la nuit. Pendant que les Trois-Rivières estaient bloquées, les Hurons qui estaient à Montréal découvrirent un party d'Iroquois; ils en donnèrent nouvelle aux François; ils firent deux partys, et prirent les Iroquois par devant et par derrière ; ils en tuèrent, et leur prirent quelques uns de leurs principaux Capitaines captifs. Le Capitaine des Hurons s'appeloit Kanontaga ; il descendit aux Trois-Rivières, avertit les Iroquois de la prise de leurs gens, et qu'on les rendroit s'ils levoient le siège des Trois-Rivières, et fesoient la paix. Les Iroquois y consentent. Kanontaga failli être pris luy mesme au Lac St. Pierre.

En 1653 la Soeur Bourgeois arrive; elle est de Troyes; elle estoit âgée de 35 ans, Préfete de la Congrégation. M. de St. André, leva 105 hommes que M. de Maisonneuve fit des 22,000 livres de Madame de Bullion, en Poitou, Maine et Bretagne, M. de Lauzon, envieux, ne peut pas laisser monter les 105 hommes à Montréal.

Une troupe de François travaillant, avoit posé une sentinelle sur une souche, qui se laisse emporter et prendre par les jambes. Le Major fit courir aux armes ; un Iroquois nommé La Barrique, commandant la troupe se présente ; on tire dessus avec du plomb a canard, il tombe et est amené vif ; son frère vint quelques mois après, donne quatre attaques à Montréal, mais La Barrique l'appelle de dessus les murs, et lui fait promettre de faire faire la paix.

Les Iroquois saccagèrent l'Isle aux Oyes à douze lieues de Québec ; tuent toutes les famjlle de Moyen et de Macart, emmènent les enfans dont Mlle. Dugué étoit ; repassent à Montréal, y donnent quelques attaques. La Barrique pourparle ; les dits Iroquois tuent un nommé Daubigeon, puis veulent pourparler. M. Lemoine venoit d'escorter un Ambassadeur Iroquois, raconte le sac de l'Isle aux Oyes ; on fait dessein de surprendre les pourparleurs. M. Lemoine les prend, allant seul à eux avec ses pistolets. Le Capitaine de la troupe des pourparleurs Iroquois, nommé La Plume, vint le lendemain pour délivrer ses gens, et est encore pris par M. Lemoine avec quatre autres.

Les Agniers, sous la conduite d'un nommé La Grande Armée, viennent en guerre à Montréal, apprennent la prise de ces six Capitaines Iroquois, font faire la paix où l'on rendit Trottier, St. Michel, Le Moyen et La Treille.

Mademoiselle Moyen a épousé M. Dugué; Mademoiselle Maur M. de Grandville.

La paix dura toute cette année, et l'habitation avança. Les Iroquois tuèrent pourtant au dessus de l'Isle, une troupe de Hurons, et parmi eux le Père Gareau qui vient mourir à Montréal, et y est enterré.

M. de Maisonneuve va en France demander à M. Ollier, directeur et premier associé de la compagnie, des ecclésiastiques : les Jésuites lui ayant dit plusieurs fois que sans estre fondez ils ne pouvoient venir servir ce lieu au préjudice des Missions. Madlle. Manse se démit et se rompit un bras.

M. Ollier choisit M. l'Abbé de Kélus, M. Souard, M. Gallinier et M. Dalet qui partirent en caresme; et M. Ollier mourut à pasques, ces Messieurs estant encore à Nantes.

Le Père de Quen, supérieur des Jésuites, et M. Daillebout viennent au devant à l'Isle d'Orléans. M. d'Argenson est nommé au Gouvernement; il ne vint que l'année suivante. Cette année M. de Charny commanda à la place de M. de Lauzon, son père; et luy s'en estant allé, M. Daillebout reprit le Gouvernement. En ce temps le Canada dépendoit pour le spirituel de l'Archevêché de Rouen; M. de Kélus avoit des lettres de Grand-Vicaire; il en exerça la fonction à Québec.

Les Iroquois commencèrent la guerre le 27 Octobre 1657, par l'assassinat d'un menuisier, nommé Nicolas Gode, qui couvroit une maison, et de son gendre nommé Jean St. Pair. On dit que la teste parla estant coupée. Madlle. Manse ayant le bras cassé, et toujours plus mal, demande permission à M. de Kélus de repasser pour aller trouver Made, de Bullion, et faire venir par son moyen des Religieuses de la Flèche. M. de Kélus dit à M. Souard qu'une hospitalière de Québec avait besoin de changer, et de l'amener icy ; elle y vient avec sa compagne, Madlle. Manse, et M. de Maisonneuve n'en sachant rien, le trouva mauvais à cause que M. Ollier avoit fait un contrat avec les Hospitalières de la Flèche.

Mlle. Manse part, va à la Flèche, M. de la Doversière entendant dire qu'il y avoit des Religieuses à Montréal, jugea témérairement qu'elle s'opposoit à ce qu'il y vint des Religieuses, et qu'elle venoit rendre compte et se retirer: il s'éclaircit. Madlle. Manse va à Paris, fait faire la fondation pour les Hospitalières de la Flèche, recouvre sa santé sur le tombeau de M. Ollier par miracle, et par un second miracle, estant tombé de cheval sur le bras, à huit lieues de la Rochelle, elle ne fut aucunement incommodée du bras qu'elle avoit eu rompu et disloqué avec une vieille luxation.

La soeur Marguerite Bourgeois avoit accompagné Mlle. Manse en ce voyage, et amena 32 filles pour le Montréal, trois Religieuses de la Flèche, savoir : les soeurs Brussolle, Masse et Moillac. Monseigneur d'Angers refusoit son obédience. M. de la Doversière fut malade à la mort, et le peuple d'Angers se mutina; M. de St. André les écarta l'épée à la main, et elles partirent. MM. Vigne et Lemaître viennent aussi, mais à la veille de partir ils avoient tant acheté de denrées qu'ils n'avoient pas de quoy payer le fret; et 110 personnes qui venoient se virent sur le point de rester; enfin, le capitaine se fia à leurs promesses.

Le navire avoit servi d'hospital à l'armée navale. Dix personnes moururent d'abord de la peste; les Religieuses s'exposèrent; deux Huguenots se convertirent à la mort.

M. l'Abbé de Kélus reçut l'ordre de retourner en France, qu'on luy fit signifier à Montréal par un commandant et une escouade de soldats. M. de Bellestre vint cette année.

Il y eut cette année 22 hommes de tués, et huit morts. Le 21 May dix-sept François estant partis furent attaqués par 800 Iroquois. Un nommé Daulac débaucha 17 François pour aller en guerre aux Iroquois ; au pied du Long Sault il trouve un méchant Fort de pieux commandé d'un costeau, il se jette dedans. Onontaga, Huron, ayant fait deffy à un Algonquin sur le fait du courage aux Trois-Rivières, vient à Montréal; on lui dit où étaient les François ; il demande d'y aller aider aux François.

Ils saccagent d'abord deux canots. Quelques Iroquois vont avertir trois cens guerriers qui voulurent enlever le Fort, qui furent repoussez et perdirent bien du monde; ils envoyèrnt quérir un renfort de 500 hommes de Richelieu qui descendoient pour enlever Québec. Les Iroquois crièrent aux Hurons de se rendre, qu'ils auroient la vie. Les lâches se rendirent, hors Onontaga et 4 Algonquins, et dirent aux Iroquois que les François n'estoient que 17. Les 500 hommes de renfort arrivèrent enfin: les Iroquois, au nombre de 600, durant trois jours, donnèrent de continuels assauts au Fort, abattant les arbres.

Daulac s'avise de charger un mousquet de poudre jusqu'à la gueule, afin de le faire éclater comme une grenade; mais une branche le fit retomber dans le Fort. Les ennemis perdirent le tiers de leur nombre au rapport de Taondechoren. Les 17 François furent tués, hors 4 dont trois moururent d'abord et le quatrième fut bruslé. Les ennemys furent effrayés de cette résistance et se retirèrent; sans cela tout estoit perdu. M. Daillebout meurt à Québec, et M. de la Doversière en France.

En 1661, au mois de Février, les Iroquois prirent treize personnes tout d'un coup ; en Mars six, et en tuèrent quatre. En Février, nos gens travailloient sans armes, Mlle. Duclos courut à M. Lemoine toute chargée de fusils, et empescha un plus grand mal, car les Iroquois qui estoient 250 s’enfuyrent. Un nommé Baudoin et Lachapelle furent pris, et Monsieur Lemaître, prestre du Séminaire, fut tué à St. Gabriel par Outréouhati, Onnontagué, le jour de la décollation de St. Jean-Baptiste ; comme il disoit son Bréviaire, il vit les Iroquois venir sur nos gens, et pour leur donner le temps il se mit entre deux avec un coutelas : son image demeura imprimée dans son mouchoir en traits de sang.

En 1662, environ le temps de la mort de Monsieur Lemaître, M. l'Abbé de Kélus revint en Canada incognito, venant de Rome ; ce fut pour lors qu'on l'obligea de repasser. Le 25 Octobre 1661, M. Vignal fut tué à l'Isle à la Pierre, où étant abordé, les Iroquois firent une huée; les François se jettent en canot hors Monsieur Brysat qui, ayant tué le capitaine, et ayant le bras cassé, fut pris. M. Vignal fut blessé ; MM. Moyen et Duchesne tués, et M. René pris. M. Vignal, fort blessé, fut bruslé et mangé; René et Brysat menez à Onneyouth, où Brysat fut horriblement bruslé, estant guerry. Le 7 Février 1662, fut tué, Monsieur Closse, major du Fort, abandonné de son valet flamand, avec trois hommes qui furent tuez. Le 6 May, à Ste. Marie, Roulier, Trudeau, Lari-gevin et le soldat, essuyèrent la décharge de 50 Iroquois, et, s'estant jettez dans la redoute, ils furent secourus de M. de Bellestre ; une autre fois, à Ste. Marie, on prit onze Iroquois.

Mademoiselle Manse passe en France pour avoir, les vingt mille livres que Madame de Bullion avoit mises entre les mains de M. de la Doversière pour la fondation de l'Hospital qu'on a trouvé moyeri de faire perdre ; elle demeure deux ans en France.

La Compagnie donna cette Isle et la Seigneurie aux Messieurs de St. Sulpice; on leur voulut ôter la justice. Les Iroquois tuèrent deux hommes aux Isles de St. Thérèse, revenant en canota de bois chargés de viande. M. de Bellestre secourut le reste de leur troupe. Deux François furent tués à la porte de Montréal, allant en canot terre à terre. Un Iroquois fut tué.

MEMOIRE DE LA GUERRE CONTRE LES IROQUOIS.

C'est une chose également utile et agréable que de conserver la mémoire des maux passés : c'est ce qui me pousse à la fin de cett eannée 1698, qui sera probablement la fin de la guerre d'écrire d'un style simple et raccourcy l'histoire de la dernière guerre que nous avons eue contre les Iroquois.

Il y avoit huit ans que M. le Comte de Frontenac estoit Gouverneur du Canada, où il avoit fait faire le Fort de Katarok8y, par M. de la Salle, à l'entrée du Lac Ontario. Tout ce temps s'estoit passé dans une paix profonde avec les Iroquois et Hollandois ; et les plus considérables aventures du pays avoient été trois uu quatre démélez domestiques. Le premier, entre Mgr. L'Evesque, les opères Jésuites et le Clergé d'une part, soutnus par M. Talon, Intndant; et de l'autre part, M. de Frontenac, M. De la Salle, la Compagnie et les Pères Récollets, touchant l'eau-de-vie traitée et donnée à emporter aux Sauvages ; ce que Mgr. L'Evesque traitoit de péché réservé. Le second différend fut entre M. de Frontenac et M. Perrot, soutenu de M. Desenclos, au sujet de M. Bizar, lieutenant des gardes de M. de Frontenac, emprisonné par  M. Perrot, qui, ayant été pris par adresse et tenu un an en prison, fut envoyé en cour. Le troisième entre M. Talon et M. de Frontenac pour la présidence du conseil ; enfin le quatrième fut une petite révolte de la Justice de Montréal qui vouloit se soustraire à la Jurisdiction du Séminaire.

Les RR. PP. Jésuites Bruyas, Vaillant, Millet, Lamberville, Carheil et Garnier, gouvernoient avec bénédiction les cinq missions Iroquoises d'Agniers, Onneyouths, Onontagués, Oiengouens et Tsonnontouans, outre celles des Hurons, 8taois, Ilinois, du Sault Ste. Marie, et Miamis, des Abénaquis et de l'Acadie.

Il y avoit deux missions auprès de Montréal ; l'une du Sault, fondée au commencement du gouvernement de M. le comte de Frontenac en 1672, par le R. P. Fremin, et une autre à la Montagne, fondée en 1677.

Le gouverneur d'Orange s'appeloit Major Andros ; plusieurs coureurs de bois avoient découvert aux Flamands les grands profits qu'il y avoit à faire à aller traiter aux nations

M. de Frontenac voulant, selon les ordres de la cour, empescher que les François n'allassent dans les bois et aux nations éloignées en traite, donna aux Iroquois permission de piller ceux qui n'auroient pas une permission par écrit; ce qu'ils exécutèrent depuis avec grande licence.

Les Iroquois ayant attaqué le village des Ilinois, au temps que les hommes n'y estoient pas, prirent mille femmes, enfans, ou vieux. M. de Tonty y fut blessé.

Les Iroquois estoient fiers de leurs victoires sur les Ilinois; les Anglois de la Virginie hayssoient les François à cause de leur cherté, animez par les Flamands qui envoyoient au sud et au nord du Lac Ontario des canotées de hardes gratuitement, pour les attirer à eux.

Quelques particuliers estant irrités par des querelles particulières, comme La Chaudière Noire qui fut maltraité par M. Perrot à qui il ramenoit 8taois. Horchouasse qui avoit pillé le Père Carheil; Hannonsache, tué par un Ilinois à Missilimimakina ; pour toutes ces choses, dis-je, les Iroquois cherchoient querelle aux François; ils ne faisoient autre chose dans leurs festins, danses ou sueries, que de mettre Onontio à la Chaudière, et pour en venir aux effets ils commencèrent cette année à piller, à Tcseyagon, trois Français: Le Duc, Abraham, et Lachapelle ; ensuite, la barque de Katarok8y estant mouillée dans la rivière de Niagara sous la conduite du Sieur Lamarque, les Tsonnonthouans y estant entrés lièrent le pilote, battirent les François, et pillèrent pour 1300 livres de marchandises. Peu après, La Chaudière Noire avec sa bande, au Fort de Katarok8y, se fit donner de force une grande quantité de hardes. Tegannissorens vint faire ici quelques sortes d'excuses à M. le Comte. Sur ces entrefaites M. le Comte est rappelé et a pour successeur M. le Fêvre de la Barre, premier Intndant d'Auvergne, Capitaine de vaisseau, qui avoit donné un beau combat aux Isles, et se fait appeler M. le Général.

M. le Général commence par envoyer trois de ses gardes, avec leurs casaques, aux Iroquois leur dire de le venir voir au printemps à Montréal pour faire conseil. Ensuite, il envoyé le nommé Salvage aux Flamands leur dire, de ,n'assister point les Iroquois d'armes.

Les Flamands allèrent, nonobstant, en traite aux 8taois avec quatre fugitifs François pour débaucher les dits 8taois ; et le nommé Arrathio, frère d'Aria, passa à Katarok8y, descendit les Rapides, vint reconnoistre Montréal, donna un collier aux Sauvages du Sault, et s'en retourna par le Lac Champlain avec une canotée de pelleteries.

Pour les Iroquois ils avoient résolu de ne point venir ; mais on envoya M. Lemoine avec Ondotionnens, capitaine de la Montagne, qui, ayant couru risque d'être tués des séditieux de Tsonontouans,. s'estoient réfugiés chez le Père Garnier, firent enfin venir les anciens des Tsonontouans qui se joignirent à ceux des quatre nations et vinrent à Montréal, tenir une diète générale, où se trouvèrent aussi les Hurons, 8taois, Algonquins et le strois missions d'icy bas, assemblés dans la grande Eglise non encore bénite.

Le premier discours fut pour la mort d'Hannonsache ; on essuya les larmes des morts par huit capotes blanches, autant de chemises ; autant pour les Ayandés, et quatre fusils pour les guerriers ; on fit un trou pour enfouir ce discours qu'on couvrit de quatres justes-au-corps galonnés pour chaque cabane ; on fit passer la rivière dessus par un collier ; on leur osta la hache par un deuxième collier ; on la jetta dans le lac par un troisième collier.

2me. discours. On leur oste le pouvoir de piller les Franois traitant sans permission, par cinq colliers.

3me. discours. Qu'il punira M. de la alle d'avoir armé Illinois.

4me. discours. Il reconnoit pour enfans l'Huron, l'8taois, l'Algonquin, par 5 colliers.

5me. discours. Il leur demande quel sujet ils ont de faire la guerre à Illinois et au Miamis.

6me. Le pere Bruyas jette le collier de la Foi.

7me. Les Ganna8aques et Gannensatagués, ne faisant qu'une terre, jettent un collier, puis les Algonquins, enfin les Hurons, pour confirmer la parole d'Onontio. Ces présens montèrent à plus de deux mille écus.

Teganissorens, orateur, chef et interprète des Iroquois, répondit à tous ces colliers par autant d'autres colliers. Pour la question de l'Ilinois il dit fièrement : il mérite la mort ; il m'a tué : on n'osa point répondre.

Le Général envoyé en traitte pour 16000 livres de marchandises.

Les vaisseaux nous amenèrent trois compagnies de la Marine: MM. D'Hosta, Chevalier, et Aubry, capitaines.

Monseigneur de Laval s'en va en France.

M. Perrot s'estant brouillé avec les dits capitaines et fait quelque faux pas dans ce procédé, est interdit.

La maison des Soeurs de la Congrégation fut bruslée, et deux Soeurs dedans.

Teganissorens, estant descendu de Tsonnontouan à Montréal, visite toutes les costes. Cependant le Père Potier descend des Outaois, apport les nouvelles que les Iroquois avoient pillé les 16,000 livres de M. de la Barre; de plus, qu'ils avoient assiégé le Fort de Contrecoeur o ùestoit le Chevalier de Baugy, ce qui mit M. de la Barre en fureur et tous les marchands intéressez ;sur ces entrefaites, Teagnissorens arrive à Québec ; sa présence irrite les Français. On conclut une guerre à la hâte, sans préparatifs; on assemble 800 hommes de costes ; ceux de Lorette s'y joignyrent, et la nouvelle en estant venue icy, tous les Sauvages se préparent à la guerre. Teganissorens est arrêté.

M. de la Barre fait M. Perrot Maréchal de Camp, mais ayant mis en prison les tambours des capitaines, il est cassé et se bat contre M. de Ste. Hélène.

Cette guerre fut particulièrement excitée par l'avarice des marchand, lesquels avoient, sous M. de la Barre, toute licence d'acheter de luy autant de congez qu'ils vouloient, y ayant cette année icy 150 canots aux 8taouais. On faisoit encore des desseins de commerce à Niagara, à Toucharenton, aux Ilinois et ailleurs. M. de la Barre et eux vouloient obliger l'Iroquois de laisser paisible le commerce, et, le premier, de se faire rembourser les 16000 livres pillées.

Cependant cette armée part au nombre de 1200 hommes, parmy lesquels estoient 350 Sauvages: elle manquoit de vivres. M. le Général très-embarrassé ne donnoit que peu d'ordres pour la marche et pour le reste désirant fort la paix.

Les RR. PP. Lamberville et Milet apportèrent dans le Lac St. Franois trois colliers qui disoient que le Tsonnontouan, guerrier, fesoit le maistre ; que l'Onnontagué désiroit faire la paix, et qu'on envoya Ok8ouessen. (M. Lemoine.)

Ces colliers furent présentés publiquement à Katarok8y. Ok8ouessen part après la mi-Août de Katarok8y, et quatre jours après on partit pour la Famine où le mauvais air, le poisson corrompu, et surtout l'infection des ordures du campement qui ne changea point, donnèrent la fièvre à l'armée ; enfin, Ouréouhati y vint faire excuse et la révérence à Ononthio pour le Tsonnontouan qui n"y estoit pas, et il se fit ainsi une satisfaction en effigie.

M. Demeules, intendant, s'en retourne. M. Champigny vient. Au retour de la guerre arrivèrent les vaisseaux, M. de Callières, M. Hénault des Rivaux, gouverneur de Montréal, et trois capitaines de vaisseau. On avoit commencé en May le bastiment du nouveau Séminaire.

Au mois de May nous eûmes nouvelles par l'arrivée des vaisseaux 1. de l'élection de M. l'Abbé de St. Valier à l'Episcopat de Québec, malgré tous ses parens qui le vouloient retenir, et toute la Cour, où sa sainteté estoit très-distinguée ; 2°du rappel de M. de la Barre, duquel le procédé avec les Iroquois avoit déplu à M. de Seignelay qui l'appela la paix honteuse du Sieur de la Barre; 3°. Que M. le Marquis de Denonville, mestre de camp des dragons de la Reine, luy succède et amène 600 hommes, avec ordre de subjuguer l'Iroquois. Enfin, de la mort du Roy d'Angleterre et de sa conversion.

L'Espérance fut tué le 15e Décembre.

Le Gouvernement de M. de Denonville a duré quatre ans.

L'an 1686, il se prépara à la guerre et demanda des troupes.

L'an 1687, il alla à Tsonnontouan.

L'an 1688, il fit la paix.

L'an 1689, il fut battu à Lachine, et rappelé.

L'hyver, M. Denonville fit faire des présens aux Sauvages du Sault et de la Montagne ; ils eurent 200 livres pour leur part en couvertes.

Au mois de Février les Tionnontatés furent conduits à la chasse par le traistre Astolach à Katoge ou Saxina, où il avoit donné rendez-vous aux Tsonnontouans qui en enlevèrent, moitié de grê, moitié de force, 120.

Sept Anglois allèrent le printemps en traitte à Missilimaginac, et firent 200 robbes ; ils furent pris des Miamis à leur retour ; lesquels Miamis furent repris par les Iroquois qui ensuite attaquèrent le village des Miamis en l'absence des hommes et y prirent 200 femmes et enfans. Les Iroquois firent leurs cruautés ordinaires, rôtirent les enfans, les firent manger à leurs mères ; bruslèrent une fille à la broche,—sa mère la défendit en désespérée. Les guerriers des Miamis réunis et avertis, poursuivirent les Iroquois, en tuèrent 127, et reprirent partie des captifs.

Cependant Turcot, Rolland et Grandmaison, traitteurs François, sont pillez des Iroquois; et d'un autre costé trois frères, St. Hélène, d'Iberville et Maricour, avec leur cousin St. André, prennent deux Forts à la Baye d'Hudson : Kichichouan, et Fort Rupert, assistez de M. de Troyes, commandant un détachement de la marine ; ils dégradent le gouverneur en une Isle.

M. de St. Vallier visite l'Acadie, et estant de retour passe en France.

 

On fait l'enceinte de Ville-Marie, de pieux. Cependant Dongan, Gouverneur de Manhatte, catholique, mais très-méchant homme, persuadé par les nommez Du Plessis, Lafontaine, Marion, francs fugitifs du profit qu'il y a à faire à Missilimakinac, y envoyé un pommé Grégoire avec un gros party de 60 hommes, et 3000 livres d'effets, et qui ayant eu avis que M. Du Luth gardoit le passage de Toncharontio qui communique du Lac Erie au Lac Huron, passèrent par Taronte, et estaient conduits par les Lafontaine, Marion, le nommé Gaustassy et Tegannenstet. Ils arrivèrent au voisinage de Missilimakinac, vers le mois de May au nombre de 60. M. de la Durantaye, très-brave et très-sage officier qui y commandoit, jugeant qu'il falloit prévenir l'entrevnue des 8taouais et des Flamands sort au devant de luy avec sa compagnie ; tous les Sauvages sortent en mestne temps avec leurs armes, et font un grand party dans les bois à une portée de fusil des François. Chose admirable, tous les Sauvages estoient partis pour favoriser les Flamands à cause de leur; bon marché. Cependant, Grégoire crut infailliblement qu'ils venoient escorter et soutenir les François. M. de la Durantaye sans leur donner le temps de s'esclaircir, estant entre les Sauvages et les Flamands, s'avance avec sa compagnie le fusil en joue; fait mettre bas les armes aux 60 Flamands et les lie, et en même temps donne le pillage de leurs marchandises aux Sauvages et aux François, s'acquérant par là ceux qui se seroient peut-être révoltés.

Cependant, M. le Marquis de Dénonville qui songeoit sérieusement à la guerre avoit, dès l'automne précédente, envoyé des présens aux trois capitaines, Du Luth, capitaine de Toncharontio, Tonti, capitaine des Ilinois, et la Durantaye, capitaine de Missilimakina, comme aussi à tous les chefs des coureurs de bois, comme Nicolas Perrot, chef des Poux, Micheloque, etc., de se trouver à Ganientaragouet au commencement de Juillet.

Rien ne fut mieux et plus secrètement conduit que cette affaire. Les préparatifs de vivres et les ordres pour les missions d'en haut furent si secrets que ny le Père Lamberville qui vint d'Onontaguez, ni les Sauvages ne s'en doutèrent. Il avoit demandé des troupes; on lui envoya 1500 hommes des recrues de la marine, sous la conduite de M. de Vaudreuil, Mareschal des Logis des Mousquetaires.

Il est vrai que le Roy avoit voulu donner un détachement de vieilles troupes, mais comme elles dépendoient de M. de Lopvois, la jalousie de M. de Seignelay fit qu'il aimât mieux cette misérable recrue de milice ; enfin elses arrivèrent à temps, avec la promesse de la Cour d'en donner d'autres. On partit le lie Juin. L'armée étoit de toutes les quatres missions: 100 hommes du Sault; 60 de la Montagne ; 40 de Lorette ; 60 Abénaquis et quelques Algonquins, et 1800 hommes, troupes et milices, en quatre bataillons, commandés par Sugué, Berthier, Verchères, et Longueuil: M. de Callières, lieutenant-général.

M. l'intendant de Champigny arriva le premier, et ayant fait appeler les Sauvages de Katarok8y, on envoya prendre tous les Ganneyousses et les Kentés qu'on pilla et enchaisna dans le Fort pour n'avoir pas ces Sauvages contre nous dans la campagne. II y avoit environ 40 hommes et 80 femmes et enfans.

En vérité, cela faisoit pitié que des Sauvages qui estoient comme sous notre protection fussent ainsi pris, pillés et enchaînez, et pris par l'appât d'un festin; ce qui fut de pis, 1° c'est qu'on envoya les hommes à la fin de la campagne aux galères en France. 2° que la plupart des femmes et enfans moururent de tristesse et de la maladie pestilentielle qui se mit dans l'habitation Horchouasse, Ouiongouen et Onnonouaragon, Onnontagué, qui venoient au Montréal dans le temps que l'armée montoit, furent aussi pris, et le premier mené en France. Enfin tout ce procédé a esté d'autant plus blâmé qu'on ne l'a point soutenu, et que si on a été trop rude au commencement, on a esté trop mol et trop humble à la fin.

Cependant cette armée florissante, ces troupes venues au premier May si justement ; cette marche si heureuse à ses premiers commencemens, enfin l'abondance générale fesoit concevoir les plus belles espérances du monde. Elles furent augmentées par un canot qui vint du costé de Toncharontio pour dire que les trois capitaines Tonty, Du Luth et la Durantaye venoient par le Lac Erie, amenant les nations et les coureurs de bois, et, en outre, ce dernier capitaine amenant les 60 Flamands prisonniers.

Pour profiter de ces heureuses conjonctures et commencemens, on partit le trois Juillet, ayant envoyé trois barques par le Lac Ontario chargées de vivres, qui dévoient mouiller devant Ateniatarontagué. Nous y arrivâmes heureusement en sept jours de marche, et par une aventure et conjoncture qui ne s'est jamais vue, le 10 au soir, comme nous arrivions, arrivoient aussi les secours des nations, et les trois capitaines avec six cents hommes.

Jamais le Canada n'avoit vu et ne verra peut-estre jamais un pareil spectacle : trois barques mouillées vis-à-vis un camp, dans lequel il y avoit un quartier de troupes réglées de France, avec la Cour du général ; le quartier des habitans en quatre bataillons, avec la nobleses du pays ; le quartier des Sauvages chrestiens, et ensuite une cohue de toutes ces nations barbares, nues, mattachées et peintes par le corps de toutes sortes de figures, portant des cornes à la teste, des queues au dos, armées de flèches. On oyait (entendoit) la nuit une infinité de toutes sortes de langues, et des chants et des danses en toutes sortes de langues. Les Tsonnontouans nous vinrent reconnoistre, et ensuite allèrent brusler leur village et s'enfuirent.

L'on fit entrer et l'on enfonça en l'eau du petit lac d'Aténiatarontagué les bateaux ; on fit un Fort, et l'on partit le 12e Juillet sur le soir.

M. de Callières, lieutenant-général, menoit l'avant-garde composée de 300 Sauvages chrestiens à droite, commandés par M. de Ste. Hélène. Les Sauvages payens à gauche, avec trois compagnies. 100 8tois 30 Poux, 100 Chaouanons ou Ilinois, et 50 Hurons, commandés par les interprètes Nicolas Perrot, Micheloque et Penar, avec les coureurs et volontaires au milieu, faisant huit à neuf cents hommes.

A quelque distance de l'avant-garde, marchoit le corps de bataille de quatre bataillons de troupes, et de quatre de milices ; M. le Marquis estoit à la teste des troupes, et M. Dugué de la milice.

La marche fut un peu précipitée ; les troupes fatiguées mouraient de soif ; le jour fort chaud. Les deux corps se trouvèrent trop éloignés l'un de l'autre. Les découvreurs aussy furent trompés, car estant arrivés jusques dans les déserts de Gaensera ils trouvèrent cinq à six femmes qui cercloient dans les champs, ce qui estoit un leurre que les Iroquois donnoient aux François pour leur faire croire qu'ils estoient tous dans le village. En effet, ce fut la cause de la marche précipitée de M. le Marquis qui vouloit faire une circonvallation avant leur départ. Mais ce qui fut la principale cause de tout ce qui arriva ensuite, fut que Garistatsi et Gannagenroguen, Agniers, s'emparèrent la nuit de la barque, et passant aux Tsonnontouans leur dirent notre nombre, notre dessein, et surtout que les Sauvages portoient à la teste des tours de testes rouges.

D'abord, tous les guerriers quittèrent leurs brayets pour passer pour des 8taouais qui n'en portent point, et en firent des tours de testes, ce qui leur réussit, afin d'estre pris pour estre de nos alliés. Ensuite les femmes et vieillards, chargés de ce qu'ils avoient de meilleur, s'enfuyrent à Ouiongouen. Tous les guerriers au nombre de 800, ayant bruslé leur village, résolurent de dresser une embuscade.

Le teritoire de Gaensera est très-montueux. Ce village est sur une haute colline ; on y monte par trois tertres ; au bas est une vallée, et vis-à-vis, d'autres grands coteaux, entre lesquels passe un gros ruisseau couvert, pendant et rapide, qui dans la vallée fait un petit marais couvert d'aunages ; c'est là le lieu qu'ils choisirent pour leur embuscade. Ils se séparèrent en deux; ils postèrent 300 hommes dans le ruisseau pendant entre deux costeaux, dans un gros buisson de hestres, et 500 dans le bas des dits coteaux, dans ce marais, et entre les dits aunages dans la pensée que la première embucade de 300 hommes laissroit passer l'armée, et après feroit leur décharge par derrière; ce qui l'obligeroit de se jetter dans la deuxième embuscade qui estoit cachée au bas de ces deux costeaux, dans le marais.

Ils se trompèrent pourtant, car comme l'avant-garde que commandoit M. de Callières estoit fort éloignée du corps que commandoit M, le Marquis, ils crurent que c'estoit toute l'armée ; c'est pourquoi comme la dite avant-garde passa près de la hestrière où ils estoient cachés, après avoir fait un horrible sakak8a, (sakaqua) ils firent une décharge.

Inévitablement, il est toujours désavantageux d'estre surpris et tomber dans une embuscade. Les 8taouais et Sauvages non-chrestiens s'enfuirent tous ; ils estoient à la gauche de l'avant-garde françoise, composée des trois compagnies de Du Luth, La Durantaye, et Tonti, laquelle ils laissèrent découverte. Les Sauvages chrestiens de la Montagne et du Sault et les Abénaquis tinrent bon, et firent deux décharges.

M. le Marquis s'avança avec le corps de batailles composé des troupes du Roy, pour ocuper le haut du coteau où il y avoit un petit Fort de pieux ; mais la terreur et le désordre de la surprise fit, qu'il n'y eut que M. de Valrenne qui s'y distingua, et M. Dugué qui, menant l'arrière-garde, rallia le bataillon de Berthier qui fuyoit, et estant à la teste de celui de Montréal fit tirer deux cents coups. M. le Marquis, en chemise, l'épée à la main, fit tirer le corps de bataille, et battre les caisses lorsqu'on ne voyoit presque plus personne; cela épouvanta les 300 Tsonnontouans de l'embuscade qui s'enfuyèrent d'en haut vers les 500 qui estoient embusqués en bas. La crainte que toute la terre estoit là les fit enfuir avec tant de précipitation qu'ils laissèrent leurs couvertes en un monceau, et on ne les vit plus.

On tint conseil ; on résolut, comme il estoit tard, de coucher sur le champ de bataille, de peur d'autre surprise. On alla dans le lieu de l'embuscade ; on trouva 14 Iroquois morts ou mourans ; on coupa les testes qu'on apporta, et un encore en vie dit, qu'ils estoient 800, 300 en haut et 500 en bas, et que les Ouiongouens dévoient venir le lendemain ; ce qui fit qu'on s'arrêta où l'on estoit. On a trouvé en divers lieux, les jours suivans des vivres, et d'autres Sauvages morts, ou qu'on tua.

Pour notre perte, le Père Angelran, missionnaire célèbre des Staouais, eut les hanches percées ; parmi les Franois furent tués Nantara, Filliatro, et d'autres.

Parmi nos Sauvages fut tué Tégaretouan ; Le Soleil, de la Montagne, brave chrestien en toute façon ; Oyenratarihen ; La Cendre Chaude, du Sault ; Gonhiagou ; Le Ciel des Tionnontatés, Huron. On emporta trois Sauvages blessés, et beaucoup de François qui souffrirent beaucoup, portés sur des branches par quatre hommes qui se relevoient plusieurs fois par jour.

Le lendemain on marcha en bataille, s'attendant à des attaques. On descendit du coteau par une petite vallée pendante, ou gorge, par laquelle couloit un ruisseau bordé de halliers et qui se déchargeoit au bas du coteau, dans un marais plein d'une vase profonde, mais plantée d'aunages si épais qu'on se voyoit à peine; c'est là où ils avoient posé leurs deux embuscades et où nous aurions peut-estre donné s'ils n'avoient pas pris notre avant-garde pour toute l'armée, et ne se fussent pas tant pressés de tirer. M. le Marquis fit très-prudemment de ne pas poursuivre ; car c'est une ruse de l'Iroquois de s'enfuir pour attirer dans une plus grosse embuscade. Le marais qui a vingt arpens environ de large estant passé, nous trouvâmes environ deux ou trois cens méchantes couvertes, plusieurs méchans fusils, et commençames à apercevoir la fameuse Babylonne des Tsonnontouans, ville ou village d'écorce, situé au haut d'une petite montagne de terre où l'on monte par trois tertres ; elle nous parut de loin couronnée de tours rondes ; mais ce n'estait que des grandes caisses d'écorce ! de quatre pieds environ de haut, enchassées les unes dans les autres, de la largeur de quinze pieds environ de diamètre où ils mettent leur blé d'Inde. Le village avoit été brûlé par eux mesmes, il y avoit huit jours. Nous ne trouvâmes dans le village rien d'entier que le cimetière et des tombeaux —le tout fort peuplé de serpens et d'animaux ; un grand masqueavec des dents et des yeux de cuivre jaune, et une peau d'ours dessus avec laquelle ils jonglent dans leurs cabannes ; il y avoit aux quatre coins de grandes caisses de blé qu'ils n'avoient point pu brusler ; ils avoient outre ce poste leur blé d'Inde dans un fort de pieux au haut d'une petite montagne escarpée de tous côtés, où il y on avoit jusqu'au genou partout le fort. Les Tsonnontouans avoient quatre grands villages qu'ils changeoient de dix en dix ans pour s'approcher du bois, et lui donner le temps de recroître. Ils s'appelloient Gaensera, Tohaiton, qui estaient les deux plus grands ; Onnontagué, Onnenaba, moindres ; dans ce dernier demeuroit Ganonketahoui, le premier chef. On coupa le blé qui estoit sur pied, déjà bon à manger, et on brusla le vieux. On fait état qu'on brusla cent mille minots de blé vieux, et cent cinquante mille minots de celui qui estoit sur terre, sans les fèves, et les cochons qu'on assomma. Il mourut 60 personnes des coups reçus dans le combat ; mais une infinité périrent de misère ; plusieurs s'enfuyrent au-delà des grandes montagnes d'Onnontagué qui les séparent de la Virginie, et allèrent habiter le pays des Andastoez ; la plupart des esclaves se dispersèrent, et depuis ce temps la nation Tsonnontouanne qui estoit au moins de huit à neuf cens guerriers et dix mille âmes en tout, fut réduite à la moitié.

De là, contre l'attente des Sauvages qui croyaient qu'on irait à Ouienguien, Onnontagué, et aux autres Iroquois, on alla établir un fort à Niagara où nous fûmes après trois jours de marche. C'est une pointe qui est formée par le Lac Ontario, et la Rivière de Niagara de l'autre pointe, de 60 pieds de haut, à dix lieues de la fameuse chute du Lac Erie dans cette Rivière, et après dix lieues dans le Lac Ontario.

Désormais, je ne parlerai ni de la description des lieux, ni des actions, mais bien de la chronologie des faits.

M. de Troye y fut laissé commandant ; c'est lui qui avoit été à la Baie d'Hudson avec 60 hommes.

Nous traversâmes le Lac Ontario, du Sud au Nord, qui en cet endroit a quatre lieues de large, avec un petit vent qui fesoit faire des lames comme en mer. Nous trouvâmes en abordant un agréable spectacle qui est, que pendant un quart de lieue tous les arbres du rivage avoient un chevreuil écorché, pendant à leurs branches. Là mourut M. de Troye, de la dissenterie. La nourriture avoit donné à tous la dissenterie, qui s'estoit mise au camp à cause des porcs frais et des fèves qu'on mangea. Après avoir côtoyé Téhiâgon, et qu'on vint passer à Kenté et Ganeyousse, par la Rivière de Tannahouté on orriva à Katarok8y le lendemain d'une grosse tempête qui nous fit coucher sur un Rocher ou petit Islet. Nous arrivâmes à Katarok8y, où M. le Marquis estoit en peine de nous, non sans raison, car nous avions esté suivis par des Iroquois. Nous arrivâmes de là à Montréal en quatre jours de marche.

Niagara, Karatok8y, et la Rivière, furent le camp de la guerre en 1687.

Cinq cens Iroquois vinrent à Katarok8y, où commandoit M. d'Orvilliers. Quatre cens Iroquois descendirent la Rivière. Dix soldats, de Duclos, capitaine, s'estoient égarés dans les bois à Katarok8y, huit hommes estant allés moissonnerdes pois en avertirent le fort; trois soldats furent pris, avec Mademoiselle d'Alonne qu'on fit monter sur une souche, avec le chapeau de la Chaudière Noire.

Deux soldats furent tués dans les guérittes qui étaient de pin.

La barque, chargée de vivres, partit pour Niagara avec le Père Lamberville. Le fort de Katarok8y fut assiégé un mois; celui de Niagara fut assiégé par 40 canots, et on coula bas quelques canots.

Des 400 Iroquois qui descendirent la Rivière, 60 prirent à la Galette neuf monteurs, ou les eaux estoient basses, avec tous les habits et vivres des soldats. Duclos commandoit ce détachement. Les Iroquois tuèrent Vincent au bout de l'Isle, et Fournier dans l'Isle.

Beau combat de l'Evitier, enseigne, qui sauva Amiconti, arracha une épée et tua le Sauvage qui l'avoit, sauva le capitaine Basque, et eut son chapeau percé.

Le 4 Octobre, 150 Agniers assiègent Chambly où commandoit M. Du Plessis. Ils prirent un soldat, sa femme et son enfant.

Les Agniers bruslèrent Verchères, tuèrent 80 bêtes ; et l'Etang, officier, gendre de Verchères, fut tué en la Rivière de Richelieu.

Grégoire qui avoit été pris à Michilimakina par La Durantaye, puis amené par la barque à Karatok8y, après avoir travaillé à KatarokSy descendit à Montréal et renvoyé, vient en ambassade avec Onnaské, le crapaud. Le Père Vaillant retourne aux Iroquois assemblés à Orange pour tenter une négociation, et revient de même sans effet.

Le 18 Février au matin, on apporte pour nouvelle de Katarok8y, que les Tsonnontouans ont jeté des colliers au Père Lamberville à Katarok8y, pour faire la paix à Niagara.

M. de Ste. Hélène va quérir le Père Lamberville qui avoit le scorbut, et avitailler le Fort de Katarok8y. 20 soldats y sont malades. M. de Villeneuve, commandant, y meurt, aussi M. de Troye ; M. de la Durantaye meurt à Niagara, et presque toute la garnison, du scorbut qui ne manque point aux garnisons nourries uniquement de salé, et assiégées sans pouvoir sortir, ni avoir des herbes.

Le Père Vaillant revient avec Mademoiselle d'Alonne, et Gastari, Mari d'Aratable de la Montagne. M. de Ste. Hélène, capitaine, en ramenant 80 Français ou soldats de Katarok8y, est attaqué à Tonihata. Il a quatre homme de tués, et un fait prisonier.

Des Agniers viennent débaucher la mission du Sauut, et assurer que les.François estoient perdus: trente hommes et vingt femmes quittent la mission du Sault.

Dongan, après le départ du Père Vaillant, assemble les Gouverneurs de Maryland, Boston, Virginie, Baltimore et de Pensylvannie, et les Iroquois à qui il donne des paquets de corde pour lier les François, et se venger de ce que Grégoire avoit été pris et pillé par M. de la Durantaye à Michilimakinac.

Le 2 Juin, le Chevalier d'Eau apporte des nouvelles que plusieurs Sauvages, entre autres la Chaudière Noire, Outréouhati, autrement dit Grand Gueule, et Gagniêgoton, venoient en paix : on verra que c'estoit pour tromper. Combien la crédulité de ce qu'on souhaite aveugle! Enfin, ils viennent et font un conseil ou négociation de paix sous la direction du Père Lamberville, plénipotentiaire en ce traité.

1er Article. On rase Niagara où il étoit bien morts 100 hommes, et qu'on ne pouvoit avitailler. 2e On ôte la hache aux Outaouais. 3e On rend 91 esclaves que le Sault et la Montagne avoient.

Cette année le scorbut ou autre maladie populaire enleva 100 hommes à Niagara ; autant à Katarok8y ; autant aux Abénaquis, et 1400 au Canada.

Les Abénaquis que nous avions, après avoir bien fait des dettes aux Trois-Rivières, vont s'establir près d'Orange, et viennent brusler un François ; le six et le neuf brûlent Sorel, St. Louis et Boucherville. Le 18, Larivé et Nicolas ramènent treize prisonniers, François ou Sauvages. M. de Callières monte avec mille hommes à Katarok8y.

Le 15 Août, cinq de nos Sauvages de la Montagne furent attaqués par les Onnontagués à Orakonenton ;deux furent tués, dont un nommé Haratsion, beau jeune homme, fort pleuré.

Les Abénaquis qui étaient dans la Colonie vont contre les Anglois, lèvent dix chevelures Iroquoises et six Angloises.

Le Rat, Huron de Téonontaté, prend Téganissorens afin d'empêcher la paix. Pionontio traitoit, et dit, J'ai tué la paix. Il avoit intérêt qu'Onnontio ne fit la paix de peur que l'Iroquois ne tombât sur lui.

Monseigneur vient de France.

Onnonchiagon vient épier Onnontouac. Trois grands Chefs viennent nous abandonner et tromper. Ondechio, mari de Sagoguenchon, vient et s'en retourne. Tiontoragué vient aussi assurer la paix et trahir.

Le 14 Juillet, nouvelles de la révolution d'Angleterre, et de la guerre.

Jean-Baptiste Honnentarionni trouva les Iroquois dans l'Isle qui lui prirent sa chemise et son bracelet disant, qu'ils luy rendoient s'il persuadoit au village de venir trouver l'Iroquois, et que nous étions perdus. Honanderon dit que cela estoit vrai ; ni nous, ni personne voulut le croire.

Cependant, Attérihata revint ou s'enfuit du village d'Onnontagué, rapportant que tous étoient partis. En effet, 1400 Iroquois, plusieurs femmes habillées en hommes, estaient partis. La femme de Garatolan donna l'alarme.

Cela fut cause que M. le Marquis ordonna qu'on se retirât dans les forts, et il envoya le Père Lamberville et M. de Longueuil en ambassade pour rencontrer les Iroquois et les adoucir.

Enfin, le 24 Août, au milieu de la nuit, les 1400 Iroquois passèrent le Lac St. Louis dans une tempête de grêle et de pluie. Ils se placèrent par pelotons, en corps de garde à toutes les maisons, durant sept lieues, et commencèrent un massacre général d'hommes, de femmes et de maisons.

Suit une liste de noms, la plupart indéchiffrables.

La nouvelle de cet étrange massacre arrive ;—M. le Marquis fait partir M. de Vaudreuil avec 300 hommes qui arrivèrent à leur camp au haut de l'Isle, où on les trouva presque tous saouls. C'étoit là une belle occasion d'en tuer cinq ou six cents, et ravoir les prisonniers; mais par une conduite dont je laisse le jugement à d'autres, il défendit de tuer, disant qu'il avoit des ordres contraires. On en prit pourtant trois dans le fort de la Présentation, qu'on assomma dans la cave.

Il se sauva un chirurgien du Lac des Iroquois qui dit, que le Père Milet avoit été pris, attiré par les Iroquois pour confesser un chrestien moribond.

M. le Comte ramena le parti au fort Roland. Le lendemain, 5 Août, un gros parti descendit de leur camp au haut de l'Isle, et se vint poster entre le fort Roland et celui de l'Eglise de Lachine, partie dans le bois, partie au bord des bleds qui estoient hauts, s'envoyant du secours selon le besoin par des sentinelles posées sur les arbres.

L'Arabelle, capitaine réformé, fut commandé pour amener 40 hommes de renfort à M. de Vaudreuil; M. le Marquis restant pour garder la ville où étoit sa femme et sa famille. A l'Arabelle, se joignit une troupe du Sault et de la Montagne ; mais les Iroquois laissant les Sauvages, tirèrent sur le gros des soldats dont ils mirent la plus grande partie par terre, et se jettèrent sur L'Arabelle qu'ils prirent avec La Plante et Villedonné. Sept Sauvages du Sault voyant cette déroute, voulurent gagner le fort de l'Eglise où étoit M. d'Ollier, mais comme ils étoient vieux et lassés, ils furent tous tués à la montée du moulin ; la face de Lahaie eut des coups de sabre, et il fut détruit.

Après cette victoire complette, cette malheureuse troupe de prisonniers essuya toute la rage que la vengeance la plus cruelle peut inspirer à des Sauvages. Elle fut transportée au delà du Lac St-Louis par l'armée victorieuse qui fit, en passant le Lac 90 cris, pour marquer le nombre de prisonniers ou chevelures qu'ils avoient ; disant: on nous a trompés, Ononthio ; on te trompes aussy. Etant abordés, d'abord ils allumèrent des feux, plantèrent des poteaux, firent brusler cinq François, firent rôtir six enfans, et d'autres griller sous les cendres et les mangèrent. Ils emmenèrent les autres pour être immolés au gré de leur vengence, à Onnontagué, où on les fit promener longtemps sur un chemin de charbons ardents.

Peu de temps après, la peur s'étant emparée des Sauvages, on fit venir demeurer en ville tout le village du Sault, avec leur blé qu'on mit sous les voûtes de l'Eglise.

On envoya des ordres à Katarok8y que la garnison abandonna ; et l'on fit sauter les bastions et les courtines en partie ; et au commencement d'Octobre, M. de Frontenac vint reprendre le Gouvernement.

MM. Du Luth et Mantet donnèrent le plus beau combat qui se soit donné de cette guerre. Vingt-sept Tsonnontouans contre environ autant de François s'étant découverts et rencontrés dans le Lac des Deux Montagnes, M. Du Luth fit mettre ses canots à la queue l'un de l'autre, et eut l'adresse de mettre le soleil aux yeux des Iroquois et commanda à ses gens d'essuyer le feu ennemi. Ils ne blessèrent personne; alors M. Du Luth commande de prendre chacun le sien, se mettant en travers et en flanc,—ce qui s'exécuta si heureusement, que tous tombèrent dans le Lac blessés, hors deux, dont un fut bruslé sur le champ par les Algonquins, l'autre à la Montagne par ordre de M. Dénonville.

Le 13 Novembre, les Iroquois firent encore un horrble massacre, dans un jour de poudrerie de neige à Lachenaye, où ils massacrèrent la nuit vingt François, dont ils dispersèrent les membres et les boyaux sur la neige.

Le 15, Pagnet, marchand, fut assassiné chez lui.

Le 27, le magasin du Séminaire fut bruslé, plein de galettes et de hardes.

MM. d'Iberville et de Ste. Hélène, avec 120 François, et autant de Sauvages, arrivent près de Corlar, trouvent les portes ouvertes, bruslent le fort, pardonnent aux femmes et aux enfans et à trente Iroquois. D'Iberville prend le devant, et le 30 Mars vingt-cinq soldats, menant des chevaux des Flammands, furent coupés par les Iroquois à qui on avoit donné la vie, et qui en prirent 14. Le 8 Mars, Gagniegoton vint avec des colliers.

Le 8 Juillet, un party d'Iroquois estant descendu par la Rivière des Prairies à Repentigny, fit encore un grand massacre. Il y eut 20 hommes tués, et 30 Iroquois.

Pierre Milet, tué; sa fille, bruslée. Trois Lajeunesse, bruslés. La fille de la Meunière emmenée. Le sergent Dumoulin, tué, Daillot et Colomb, lieutenants, tués. Charles Pouliot, aussi tué dans l'Isle Ste. Thérèse. Planchau, Gervais, Baudry et Desroches tués, et Lamour pris.

La Gémeraye et d'Hosta tuèrent 10 Iroquois, et perdirent cinq hommes. Le Chevalier de Clermont recouvre cinq garçons. Ensuite, MM. St. Hélène et Valrenne laissent échapper les Iroquois.

Tous les blés furent brumes, et il y eut une famine.

Il y eut un combat à St. François où 20 soldats furent tués ; 30 Iroquois furent aussi tués.

Le Chevalier d'Eau, estant envoyé à Onnontagué, est arrêté. Colin, l'un de ses canoteurs est bruslé, et Bouviat tué.

On eut nouvelles que trente-deux voiles venoient assiéger Québec, commandées par William Phipps. M. Prévost, major, avoit fait gabionner. M. de Callières amena mille hommes de son gouvernement. M. le comte de Frontenac se trouva avec 3000 hommes. Il fut sommé par une trompette de se rendre, avec espérance de pardon s'il le faisoit dans une heure. La réponse fut fière comme elle le devoit. Les Anglais descendirent à Beauport. On leur fit la guerre à la Sauvage, en chemise, les harcelant sans cesse ; s'enfuyant, ils leur tuèrent 100 hommes et en blessèrent 300. Ils se retirèrent, laissant leurs canons en désordre. Estant rembarqués, on fit eschange de MM. Trouvé, Joliette et Lalande. Les gros vaisseaux qui estoient criblés de coups de canon périrent, avec cinquante hommes qu'on trouva gelés le printemps suivant. Le pavillon de la Ste. Vierge qui flottait au clocher de Québec fut victorieux du canon.

Les Agniers prennent vers les montagnes de Chambli 6 Ganneyousses ; puis 13 qui sont ramenés, par Onnonouagaren, pour entretenir l'intelligence secrète.

Le 7 Mai, les Iroquois bruslent le moulin de M. le Bert, à la Rivière des Prairies. La femme de Guillon; Grégoire, sa femme; Goulet, le fermier de Lachenaye, et quelques autres défendent une brèche de quarante pieds contre 300 Iroquois. Verchères, et un soldat furent tués.

Le 17 Mai, 70 Iroquois s'embusquent la nuit à la Montagne, en trois bandes, donnent sur les Sauvages qui, à quatre heures du soir, dormaient. Nous perdîmes Tondiharon. On tira trente fois, mais on tira trop bas. Ils perdirent sept hommes.

Suivent plusieurs noms, mais qui ne sont pas lisibles.

Le 17 Juin, M. de Bienville commande un party pour poursuivre les Iroquois. On les rencontre ; on les prend et amène 80 en nombre . On ne leur fait point de mal ; et ils achètent de la poudre et des fusils.

Ayant avis que les Flamands dévoient donner à Laprairie, M. de Callières y alla. Les habitans campèrent d'un côté du fort, les soldats de l'autre, au nombre en tout de 1200. La débauche fut extrême en toute manière. Cependant, avant le jour, 80 Loups se glissèrent par le fossés, derrière le moulin, tuèrent la sentinelle endormie, levèrent la chevelure à six Outaouais, et tuèrent vingt habitans. Les capitaines qui estoient au fort accoururent; trois furent tués à la porte, par une embuscade qu'on y avoit dressée exprès, savoir : St. Cirq, Hosta et De Cairac. On envoie l'Evitier et Domergue ; ce dernier fut tué avec douze hommes, et trois prisonniers.

Les Flamands commandés par Peter Schuyler n'osèrent pourtant pas s'engager, à la face de tant de monde, à entrer clans le fort, et ils s'en retournoient en victorieux. Mais Valrennes et Demuy, qui avoient été envoyés précédemment pour les chercher avant qu'ils fussent arrivés, rencontrèrent les découvreurs : chacun s'embusqua. Les Agniers de Peter Schuyler, reconnus vis-à-vis de l'embuscade, essuyent le feu des Hurons et des soldats de Valrennes, et les Flamands aussi. Les ennemis eurent cent et un homme de tués, mais ils enfoncèrent notre embuscade. Les Sauvages qui combattoient de notre côté plioient; M. Guay les rallie et ramène. Les ennemis s'enfuyrent. On manqua, en ne les suivant pas.

Le 12 Octobre, on fit un party sous le commandmeent de M. de Vaudreuil. M. Guay y alla, mais on relâcha à Sorel.

Dix-sept hommes du Sault, et leurs femmes, furent attaqués par 30 Agniers derrière St. Michel; huit se sauvèrent. On trouva deux ennemis morts. On suivit les ennemis, on les joignit; quinze furent tués. Gaxari et Garistatsi furent pris, on les massacra.

Cent vingt hommes du Sault, 40 de la Montagne, 20 de Lorette, et 100 François firent le party d'Onneyouth: M. Guay, menant les Sauvages; Beaucourt, Auberville et Beaubassin, commandant les François.

On surprit Tateguenondahi, chef des Tsonnontouans, dans une Isle de la Rivière Keutsagué, au bout du Lac St. François. Il avoit 60 hommes dont 24 furent tués, et 20 pris. Six Sauteurs tués; trois chefs de la Montagne. M. Guay vint dans l'eau gelée jusqu'aux genoux, couchant sur la neige, jeunant le çaresme, avec une grosse fluxion sur les dents et la joue.

En Mai, huit jours après la Fête-Dieu, nos gens qui avoient quatre heures par jour pour escorter, tardèrent au bas du rapide Bruslé, et furent surpris par les Iroquois. La Valterie fut tué, Ononari pris, Oganontara sauvé et blessé. Ononari fut ensuite délivré par Babouchi qui tua 7 Iroquois à Karatok8y. Il y eut sept François tués au rapide Bruslé.

Six cents hommes, savoir: cinq cents François et cent Sauvages menés par M. Guay, entrent dans les trois villages des Onnontagués qu'on brusla. On prit 150 Agniers ; mais on s'amusa. Les Iroquois assemblés à Onneyouth, joints aux Flamands, poursuivirent l'armée jusqu'au Lac St. Sacrement qu'on passa heureusement, car le lendemain il dégela, sans quoi on se seroit battu désavantageusement. Les gens du Sault virent échapper 100 de leurs parens, pris par les Flamands ; on en amena que 50 tout transis de froid.

Trente-six François, accompagnés des Têtes de Boules, peuple du Long Sault, furent attaqués par soixante Iroquois. Quatorze François pris ; entre autres Artel, et huit autres furent tués ; Labuissière, sergent, et Lagorgendière se sauvent, sautant le Sault avec la moitié d'un canot.

Sagenouara, Vincent, Faucher, et neuf autres à la Chine, furent tués; trois enfans de la Montagne furent pris à l'Isle Ste. Thérèse. Villedenné se sauve ; il avoit été pris avec l'Arabelle cinq ans auparant, par la Chaudière Noire qui comtnandoit 60 Iroquois. On fit un party de 550 hommes commandés par MM. de Vaudreuil, Crisasy et Mantet. On les conduisit à la Rivière des Outaouais au-dessus du Sault. Quoiqu'on fit bien du bruit, comme ils avoient le soleil aux yeux, ils ne nous virent pas. On les surprit comme ils traversoient. La Chaudière Noire alloit arriver quand nous fondîmes sur eux. On en prit, on tua 40, mais le reste se sauva. Nous perdîmes La Potherie, Montesson, Labrosse, gentilhommes ; ce dernier estoit débauché, et avoit amené une….Il vouloit lier un Sauvage qui lui donna un coup de sabre au visage. Il estoit parent de M. de Champigny. Outre celui-ci, Joachi Lavallée, avec deux Sauvages, fut tué. Le lendemain on alla pour chercher leur cache ; nous allâmes debout clans des canots et à découvert. Ils nous tirèrent une volée de coups de feu qui tua Urbain, et rompit le genou d'un autre. On baptisa un enfant au feu. Taréha ramène St. Amour, pris en 1690.

Orbouche, avec les Ouiengiens, ramène 13 esclaves; entre autres, M. de Hertel et M. de Joncaire.

Le party de M. de Louvigny va au Long Sault. M. Guay marche pour la troisième fois. De Louvigny ne voulut pas traverser le bois à Onderakontera ; il revient avec les Sauvages faire un coup de huit tués ; ses prisonniers furent bruslés à Montréal. Charleville fut tué.

La Durantaye tue 10 Iroquois à Boucherville.

M. le Comte monte à Onnontagué à l'âge de 74 ans, et brusle Onneyouth ;M. Guay menant les Sauvages pour la quatrière fois. Un âne fit peur aux Iroquois, car il se mit à brailler la nuit.

Naissance de Sta8ennah, nommé Sorel. Retour du Père Milet pris à Katarok8y, en 1689.

La Chaudière Noire tue trente François. Mort de M. le comte de Frontenac.

M. de Callière succère à M. le comte, et fait la paix.

Nous avons eu six cens personnes de tuées, ou pris ; plusieurs de ces derniers sont revenus.

Les Iroquois en ont eus autant réellement, et tous de bons hommes.

Les Outaouais, et autres alliés, leur en ont tués autant. Ils sont diminués de moitié.

FIN.

 

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