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Histoire de la Conquête du Canada

 

Par Théodose Denys de Vitré

 

[Publié par la Literary and Historical Society of Quebec dans Transactions, New Series, No. 22 (1898)]

 

 

NOTE PRÉLIMINAIRE

 

Ce manuscrit est malheureusement incomplet. Il nous manque les quatre premiers feuillets, et tous les feuillets après le vingtième. Il est écrit d'une belle écriture française très lisible. Il devait être assez considérable, car ce que nous avons est appelé la première partie, et encore est-elle incomplète.

 

Le ton de ce manuscrit, qui rend compte des opérations de la flotte anglaise ; la nationalité de l'auteur, qui est évidemment française ; les détails circonstanciés que nous y trouvons, qui nous permettent de supposer vraisemblablement, nous dirons même nécessairement, que l'auteur faisait partie de l'expédition anglaise : tout cela nous laisse dans une grande perplexité quant au nom de celui qui a écrit cette Histoire de la Conquête du Canada.

 

Nous ne voyons qu'un seul homme qui pouvait écrire ainsi, et cet homme n'est autre que le pilote Vitré, que l'on accuse d'avoir conduit la flotte anglaise à Québec.

 

En effet, qui, sauf Vitré, aurait pu écrire, en langue française, une narration telle que celle dont nous publions un fragment. .. ?

 

Nous publions intégralement la partie de ce document que nous avons, parce qu'il renferme des détails intéressants. Nous regrettons infiniment de ne pouvoir le donner en entier.

 

 

HISTOIRE DE LA CONQUÊTE DU CANADA

MANUSCRIT INEDIT

 

Garnisons, D'Halifax, Louisbourg, et de la Baie de fondy, qui devoit faire la plus grande partie des forces qui doivent agir sur le fleuve St. Laurent. 12000 hommes tant réguliers que provinciaux etoit l'armée qu'il devoit Commander en personne. Il devoit traverser le lac Georges et ensuite attaquer Ticonderaga, et la pointe a la Chevelure ; après la réduction de ces deux places, il devoit établir des forces navales suffisantes pour traverser le lac Champlain, sans crainte d'être insulté ; et ensuite attaquer l'île aux Noix qui est (en) haut de la riviere Sorel, et enfin en la descendant, tomber dans le fleuve St. Laurent, faire Jonction avec Mr Wolff, et L'amiral Saunders et agir de concert contre Quebec.

 

Le Général Pridaux devoit commander un corps de troupes d'environ 6000 hommes destinés a faire le siege de Niagara; cette place est de consequence en paix comme en guerre parcequ'elle conserve la communication entre le Canada et la Louisianne et les frontières du gouvernement de Montréal. Le Chevalier Johnson commandoit les provinciaux de la Nouvelle York, et plusieurs sauvages des 6 nations qui etoit entrés dans notre parti par son credit.

 

On avoit lieu de se flatter, que si l'on parvenoit a réduire cette place avant que la saisou fut avancée, les troupes pourroient aisémeut s'embarquer sur le Lac Ontario, et ne trouvant plus d'obstacles par la Destruction du fort de Frontenac ; pouvoient descendre le fleuve St. Laurent, et s'emparer de Montréal, ou du moins faire une grande diversion. Voila a peu près le but principal de ces deux armées.

 

L'armée du Général Amherst fut la première en mouvement ; le Lac Georges. (: ou le lac St. Sacrement comme les français l'appellent.) a 40 milles de long, il n'est pas large en proportion de sa longueur, sont entourés de terrain marécageux. Il se communique au Lac Champlain, par un canal long et étroit ; du côté du Lac Georges, le chenal est défendu par Carillon ; et du côté du Lac Champlain, il est défendu par le fort St. Frederic, ils sont tous les deux très forts, tant par leur situation que par leur construction.

 

Le corps de troupes sous les ordres du Général Prideaux arriva sans aucun accident, en vüe du fort Niagara ; c'est sans contredit le fort le plus important de toute l'Amérique Septentrionale, par la quantité de communications qu'il assure ; il est situé a l'embouchure du Chenail qui joint le Lac Ontario au Lac Erié lesquels se communiquent avec trois grandes mers d'eau douce, par le vaste cours du fleuve St-Laurent et qui déchargent ses eaux dans l'Océan.

 

Un peu au dessus du fort il y a un sault (qu'on nomme Le Sault de Niagara :) le plus remarquable du monde. Par la grand quantité d'eau qui y tombe et la hauteur de sa Chute, le Sault interrompt la communication d'un Lac a L'autre, mais les français ont suppléés a ce défaut, en faisant un portage de 8000 de Long.

 

Les Lacs sont disposés de telle façon que les sauvages ne peuvent se dispenser d'y passer sans hazarder beaucoup.

 

Les vaisseaux de transports étant tous arrivés à Louis-bourg ; les généraux firent la revue de l'armée ; et quoi-qu'elle fut petite en nombre, elle ne laissoit pas que d'être redoutable ; Voici en quoi elle consistoit : 10 Bataillons, 3 Compagnies de grenadiers de la garnison de Loùisbourg, 3 Compagnies d'artillerie, 6 Compagnies de chasseurs de Bois, 1 Compagnie d'ouvriers, ½ Bataillon de provinciaux, et environ 1200 soldats de marine qui dévoient nous joindre des que nous aurions débarqué, et dont le total montoit a près de 10000 hommes.

 

L'armée étoit divisée en trois Brigades, et la flotte en 3 escadres ; chaque escadre avoit une Brigade a bord ; l'on sent très bien que de cette façon, toutes les manœuvres dévoient être très promptes, parcequ'elles correspondoient les unes aux autres, D'autant plus que tous les differens corps etoient repartis dans la flotte a peu près comme ils dévoient être en Bataille.

 

Des que les choses furent ainsi disposées, le Sigual fut donné, et l'on mit a la voile le 4 juin. Notre flotte eonsistoit en 9 vaisseaux de lignes, 4 fregattes, 3 Brûlots de chaloupes de guerre et de 150 vaisseaux de transport, outre plusieurs petits Bâtiments marchands.

 

On laissa plusieurs vaisseaux de Lignes et fregattes qui etoient venus de la vieille Angleterre, a Halifax et a Louis-bourg, pour remplacer ceux qui etoient partis avec L'amiral Duret.

Voici le nom des Regiments :

 

1 Amherst                 

2 Brangs                   

3 Ottudais                 

4 Kenedy

5 Laussy

6 Webbs

7 Austrulher

8 2 bataillons (R.A.)

9 3 bataillons (R.A.)

10 Frazer

 

Le vent qui souffloit nous promettoit une heureuse navigation ; car le 2me jour nous appercumes les hautes monta'gnes de terre Neuve, et le 16me jours de navigation, nous nous trouvâmes a l'isle St. barnabé sans avoir eu aucun mauvais tems ; une fregatte de L'escadre de L'Amiral Durel nous y joignit ayant quelques pilottes a son Bord ; nous fûmes 9 jours de St Barnabé aux Coudres.

 

Il n'est pas hors de propos a ce que je crois (quoique mon principal but ne soit pas de décrire les manœuvres de L'armée.) de dire un mot de nos marins ; nos affaires ont été si souvent liées avec les leurs, qu'il n'est presque pas possible de parler de l'un sans faire mention de l'autre ; D'ailleurs cette traverse sera a jamais un monument de leur capacité.

 

Le fleuve St-Laurent est le plus beau de tout le monde ; il porte des vaisseaux du premier rang a 160 lieues de son embouchure ; mais la navigation en est aussi difficile, que ce fleuve est grand. Ses bords sont presque tous escarpés, une grande quantité d'isles et de bancs, reignent presque tout le long de la traverse ; le courant est d'une rapidité étonnante, le fond n'est pas des meilleurs, car les vaisseaux chassent très souvent sur leurs ancres, et au moindre mauvais tems, ils sont exposés aux danger les plus Eminents.

 

Les françois avoient toujours d'excellents pilottes ; le Commandan des navires n'étoit confié qu'à des gens expérimentés dans la navigation du fleuve ; et malgré toutes les precautions, ils ne laissoient pas que d'en perdre toutes les années.

 

Nous devions naturellement nous attendre a être plus mal traittés qu'eux, le fleuve ne nous etoit connu que par des relations étrangères les quelles sont toujours suspectes aux hommes sages. D'ailleurs nos pilottes etoient des prisonniers françois, que la mauvaise volonté, ou la crainte, auroit pu faire échoués également.

 

Beaucoup d'Esprits bornés, ont voulu attribuer a la fortune seule notre heureuse traverse ; je pourrais leur répondre ce qu'un célèbre grec dit a cet égard.

 

N'attribués jamais a la fortune, la reussitte, ou le mauvais succès d'une entreprise, parceque dans le premier cas vous privés celui qui en est chargé, de L'honneur et des recompenses qui lui sont dües ; et dans l'autre vous le soustrayes aux châtiments qu'il mérite au cas que sa mauvaise conduite l'ait fait echoüer. Il me semble qu'il seroit bien plus raisonnable de croire que la bonne conduite joint à l'Experiance, font venir la fortune devers vous dans toutes les choses possibles. Nos marins paroissoient pénétrés de cette vérité, car ils ne donnèrent rien au hazard.

 

A mesure que le fleuve s'etressit, les dangers commencent et la navigation devient plus difficile. Ce fut alors que L'amiral Saunders envoya en avant une Grande quantité de petits vaisseaux, Batteaux, et Berges, pour reconnoitre le fond du fleuve, les Différents chenaux et eceüils. Il ordonna de mouiller a chaque endroit ou l'on croyoit y avoir du danger, un de ces petits bâtiments dont il vient d'être fait mention ; de façon que toutes ces stations formoient une Ligne double de petits vaisseaux et la flotte voguoit entre eux avec la même sécurité d'un homme qui se promène dans son parc. Plusieurs berges alloient en avant, elles soudoient continuellement, et annoncoient a toute la flotte, a combien de brasses d'eau elles étoient, par des pavillons de différentes couleurs, qu'ils haussoient ; dont on etoit convenu.

 

Toutes ces precautions, jointes aux indices qu'on avoit recues de L'Amiral Pure!, furent cause de nôtre heureuse traverse. Je crois qu'il ne sera pas indiscret d'insérer une phrase que j'ai tirée du Journal francois, et qui servira a prouver ce que je viens de dire ( : un veritable sujet d'eton-nement et de surprise, fut de voir tant de vaisseaux remonter cette rivière, passer les endroits les plus dangereux ; sans qu'il arrivât aucun accident a un seul de ces Vaisseaux, même avec un vent contraire ; L'assurence de nos marins en fut déconcertée, et ils eurent plus d'une fois a rougir de L'habileté des Anglois. :).

 

Ce fut le 27e juin que la flotte mouilla entre La Paroisse St Laurent, sur l'isle D'orléans, et celle de Beaumont à la côte du Sud du fleuve ; le même jour une partie de l'armée Débarqua et vint camper a un mille au dessus de L'église St Laurent. A peine fut elle débarquée, qu'une tempête des plus affreuse, éclipsa le jour, et irrita tellement les ondes du fleuve, que nos vaisseaux chassaient de telle sorte, qu'ils s'entretouchoient presque tous, les uns furent endommagés dans leurs corps, et quelques autres perdirent leurs mats. Les Soins de nos marins ne purent pas sauver nos Batteaux plats ; près de la moitié furent jettes sur les Bords du fleuve, et se Brisèrent en milles pieces.

 

Cet accident ne nous fut fatal que pour leur perte parce que nos operations devant presque toujours commencer par un débarquement, il s'en suivoit que le peu qui restoit n'étant pas suffisant pour débarquer plus de 2600 hommes a la fois, l'exécution de tous nos projets devoit naturellement en être rallentie.

 

La tempête ayant cessé, le reste de L'armée débarqua le lendemain ; ce fut cette même nuit que les Ennemis nous envoyèrent 8 Brûlots, lesquels après avoir été allumés, offroient un spectacle affreux et un danger des plus grands.

 

Nos vaisseaux etoient mouillés très près les uns des autres, parceque le Chenail n'est pas large. Si nos premiers vaisseaux avoient pris feu, les Brûlots se seraient multipliés, et alors la ruine de notre flotte s'en seroit suivie, de même que-celle de l'armée qui aurait péri faute de choses nécessaires.

 

Nos marins firent voir dans cette circonstance un trait de leur habilité ; car des L'instant que Les Brûlots parurent, une quantité de berges fut détachée du corps de la flotte ; et allèrent au devant d'eux afin de les accocher, avec des gra-pins de fer attachés a une chaine. L'ordre fut si bien exécuté que sept furent grapinés dans la minute.

 

Alors les berges se mirent a l'avant de chacun de ces vaisseaux en Brûlots, qu'elles avaient grapinés, et les remorquèrent a travers de presque toute La flotte et ensuite les firent echoüer en différents endroits, le 8e Brûlot echoüa de luy même avant d'etre sorty du bassin.

 

J'ai déjà dit que notre armée etoit campée a un mil au dessus de L'Eglise St Laurent. Ce fut de la que Mr Wolff fit passer 4 Bataillons et quelques compagnies de l'Infanterie légère et quelques chasseurs de bois sous les ordres du Général Moncton, a la Côte de Beaumont afin d'aller, de la a la pointe de Levy y déloger les Ennemis, au cas qu'il y en eut et y prendre poste.

 

Nos troupes Légères se saisirent du portefeuille de Mr de Lery Capne des troupes de la Colonie, que sa fuitte précipitée avait fait oublier. Il y avoit plusieurs lettres de Mr le Marquis de Vaudreüil (Gouverneur general de la Nouvelle france) entre autre une circulaire pour tous les capne" de milices qui mérite d'etre raportée ; elle avertissoient les Canadiens que sa Majesté B. avoit envoyé une escadre nombreuse avec quantité de troupes de débarquement, en Canada ; que les instructions du General Anglois, etoient de mettre tout a feu et a sang ; sans avoir égard ny aux femmes ny aux enfants, car nous étions disoit-il des Ennemis jurés de leur Religion. Il ordonnoit et exhortoit très sérieusement a toutes les personnes qui habitoient depuis Quebec, en bas ; armée en Canada ; Il publioit qu'on ne l'avoit point envoyé pour faire la Guerre aux habitans ; qu'au contraire, les prenoit sous sa protection, pourvu qu'ils ne prissent pas les armes, et qu'ils observassent une exacte neutralité.

 

Il invitoit aussi toutes les familles a revenir dans leurs "habitations, a s'y tenir tranquilles, et de vacquer a lours affaires comme auparavant; qu'ils professeroient leur Relligion sans aucuns Empêchements, que luy (quoique d'une croyance différente :) respectoit et scavoit faire respecter les choses consacrées a L'Etre Suprême.

 

La conclusion de ce manifeste etoit ; que si les Canadiens ne vouloient pas se soumettre aux offres humaines qu'on leur faisoient ils dévoient s'attendre a tout ce que la guerre a de plus affreux, et aux desordres qu'un soldat effréné est capable de faire.

 

Le tems etoit limité, et après l'expiration, la récolte devoit être detruitte, et les maisons Brûlés, et les personnes qui seraient tombées entre nos mains, auroient ete regardées de se retirer dans les profondeurs, avec leurs meilleurs effets ; afin d'éviter de devenir notre proie. Il y avoit beaucoup d'autres choses dans ce gout là, dont aucune n'etoit décente, il donna a chaques paroisses, quelques sauvages, qui avec les vieillards, dévoient protéger les familles.

 

On fit quelques prisonniers, qui ne s'attendoient a rien moins, que d'être massacrés ; ils furent surpris de la façon humaine, avec laquelle on les traitta ; on les renvoya chez eux après les avoir Questionnés ; ce qu'ils dirent n'etoit d’aucune consequence. Il est a remarquer que tous les habitans s'etoient retirés dans les Bois, et ayant abandonnés leurs demeures, nous ne pouvons avoir aucune Intelligence ; et que par consequent nous étions obligés de deviner ce que les Ennemis faisoient, ou vouloient faire ; Enfin je crois que c'est la seule campagne, ou l'on n'ait pas pu faire usage d'Espions. Il etoit de la dernière consequence de détruire les Bruits infâmes, que Mr de Vaudreüil avoit répandu a notre égard ; aussi Mr Wolff publia un manifeste par lequel il donnoit les raisons qui avoient obligé S. M. B. d'envoyer une comme prisonnières de Guerre et en consequence transportées en Angleterre.

 

Ce manifeste fut affiché aux portes des Eglises, et aux endroits ou l'on croyoit que les Canadiens etoient obligés de passer, quand ils sortaient des Bois pour voir si leurs demeures existoient encore. Il ne produit pas l'effet qu'on s'en etoit promis ; Mr de Vaudrüil eut soin de les faire arracher; et la plus grande partie du peuple n'en eut aucune connoissance.

 

Le 31 Mr Wolff partit de St Laurent avec 4 Bataillons et alla camper a la pointe de l'isle d'Orléans, 2 Bataillons restèrent a St Laurent sous les ordres du General Murray, parceque notre Depôt y etoit, mais des qu'il tut transporté a la pointe, Mr Murray alla le joindre avec un Bataillon, et ordonna a l'autre de s'embarquer, pour des raisons que l'on verra dans la suite.

 

C'est depuis la pointe de l'isle d'orleans que l'on voit le bassin, la ville de Quebec, la Côte de Beauport, et le Sault Montmorency, en plain ; ce fut de la qu'ont vit les Ennemis et les ouvrages immenses qu'ils avoient construit. Je ne ferai une légère description du terrain qu'il comptait deffendre, parceque le lecteur en pourra mieux juger par le plan suivant.

 

Le Ville de Québec est située sur un Hoc Escarpé qui forme une espèce de langue ou péninsule, regardant en bas le fleuve, et qui a audessous de son escarpement, une basse ville, dont le Quais est garni de Batteries rasantes ; elle a le fleuve St Laurent à sa droite, et la Riviere St Charles a sa gauche, elle est des plus fortes par sa situation, du côté de l'eau elle forme une espèce d'amphiteatre. La Côte de Beauport commence a l'embouchure de la riviere St Charles, et finit au Sault de Montmorency, elle a près de 3 lieues de long, une pente douce reigne depuis la Riviere St Charles jusqu'à l'Eglise, qui est positivement le centre de la côte. Le terrain qui est au bord du fleuve est bas et marecajeux, et il y a des battures tout le long qui en rendent le Débarquement difficile : la partie depuis l'Eglise jusques au Sault est Escarpée, et couverte presque partout de broussailles : il y a un ruisseau assés considerable, avec des ravins des deux côtés, qui tombent dans le fleure, un peu au dessous de l'Eglise, du côté de la ville.

 

Le Sault Montmorency a près de 180. pieds de haut ; la Riviere du même nom divise la côte de Beauport et celle de Beauprés ; ses bords sont escarpés, et no sont accessibles qu'a deux endroits.

 

Apres avoir donné une idée juste du pays que les Ennemis comptoient deffendre ; je crois qu'il est nécessaire pour l'intelligence du Lecteur ; avant de parler de nos operations, de dire quelque chose de leurs préparatifs, de leur façon de penser a notre égard, et du plan de deffeuse qu'ils s'etoient proposé ; et de la composition de leurs troupes.

 

Les françois en Canada etoient si incrédules qu'ils n'avoient jamais imaginé que nous peûssions venir les attaquer a Quebec ; la preuve en est que quand Mr de Pont le Roy, Ingénieur en Chef, demanda ses ordres a Mr de Vaudreuil, touchant les ouvrages nécessaires pour la deffense de Quebec, il luy répondit qu'il n'en avoit d'autre, sinon de faire racom-moder son Chateau ; apparemment il regardoit le fleuve comme un Boulevard imprenable par la difficulté de la navigation. Enfin ce qu'il y a de certain, c'est que le 20 de May, jour que les Ennemis avoient appris l'arrivée de la flotte de l'Amiral Durel, au Bic ; ils n'avoient encore rien fait pour la deffense de la colonie, de ce côté. Ils furent tous surpris d'une entreprise qui leur paroissoit aussi hardie, dans une saison si peu avancée : Ils crurent que toute notre flotte alloit se rassembler en 2 ou 3 jours a ST Barnabe, et que par la faveur du vent, nous pourrions en 3 fois six heures être devant Quebec. L'alarme fut universelle dans tout le pays ; car chacun s'empressoit de cacher ses meilleurs effets.

 

Les Généraux françois se rendirent dans ce même tems a Quebec; Ils donnèrent leurs ordres aux troupes et milices, de s'y rendre avec toute la célérité possible, et des Le 26 ils eurent environ 10000 hommes de rassemblés et vers le lor juillet leur armée montoit au nombre de 19000 hommes, suivant les comptes du Munitionnaire.

 

Alors Mr le Marquis de Montcalm, après avoir reconnu par luy même les différents postes qui pouvoient luy être avantageux ; Ordonna des ouvrages en consequence.

 

Il fit d'abord fermé la Basse ville avec des pieux, et placer du canon dans tous les endroits qui luy parurent accessibles, et mettre des portes a la ville, qui jusqu'alors n'eu avoient point eu. Ensuite il fit faire des retranchements derrière la Riviere St Charles, depuis son embouchure jusques a 2000 au dessus. On construisit deux ponts a batteaux a un endroit qu'on appelle le passage, a la portée du Mousquet de L'embouchure de la Rivière ; lesquels etoient couverts d'un excellent ouvrage en Corne, et un autre a pilotis qui etoit.au centre de leur retranchement, il fit aussi barrer l'embouchure de la Riviere St Charles ; cette Bariere etoit deffendue par deux vaisseaux qu'on avoit échoués tout exprès.

 

Alors les Ennemis étant un peu revenus de leur premiere frayeur, connurent que quand même notre flotte entière aurait ete au Bic ; il aurait fallu au moins trois semaines, avant de nous reunir aux environs de Quebec : entendu qu'une flotte nombreuse ne scauroit aller aussi vite qu'un seul vaisseau...

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