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Appendice: Description de Québec et de ses environs en 1608, et divers extraits relativement au lieu de l'hivernement de Jacques Quartier en 1535-36

 

[Publié par la Literary and Historical Society of Quebec dans Historical Documents, Series 1, Vol. 3, No. 5 (1843)]

 

 

LA PREMIERE HABITATION DE QUEBEC.

 

Description de la première Habitation bâtie à Québec en 1608. [Voyages du Sieur de Champlain, Livre II, page 184; Edition de 1613.]

 

"Je fis continuer nostre logement, qui estoit de trois corps de logis à deux éstages. Chacun contenoit trois thoises de long et deux et demie de large, avec une belle cave de six pieds dehaut. Tout autour de nos logemens je fis faire une galerie par dehors au second estage, qui estoit fort commode, avec des fossés de quinze pieds de large et six de profond : et au dehors des fossés, je fis plusieurs pointes d'esperons qui enfermoient une partie du logement, là où nous mismes nos pièces de canon : et devant le bâtiment y a une place de quatre thoises de large, et six ou sept de long, qui donne sur le bort de la rivière. Autour du logement y a des jardins qui sont très bons, et une place du costé du septentrion qui a quelque cent ou six vingts pas de long, et cinquante ou soixante de large."

 

A. Le Magazin.

 

B. Le Colombier.

 

C. Corps de logis où sont nos armes, et pour loger les ouvriers.

 

D. Autre corps de logis pour les ouvrier.

 

E. Cadran.

 

F. Autre corps de logis où est la Forge, et Artisans logés.

 

G. Galleries tout autour des logemens.

 

H. Logis du Sieur de Champlain.

 

I. La porte de l'Habitation, où il y a Pont-lévis.

 

L. Promenoir autour de l'Habitation contenant 10 pieds de large, jusques sur le bort du fossé.

 

M. Fossés tout autour de l'Habitation.

 

N. Plattes formes, en façon de tenailles pour mettre le Canon.

 

O. Jardin du Sieur de Champlain.

 

P. La Cuisine.

 

Q. Place devant l'Habitation sur le bort de la Rivière.

 

R. La grande Rivière de Sainct Lorens.

 

map

Fac-simile d'une carte dans les Voyages de Champlain, 1633

Renvois qui accompagnent la carte de Québec et de ses environs en 1608.

[Voyages du Sieur de Champlain, Liv. II, Chap. 3, Edition de 1613.]

 

[Cette carte n'est qu'une esquisse imparfaite dans laquelle M. de Champlain s'est attaché plutôt à décrire la position relative des objets que leurs grandeurs et leurs distances véritables. On a ajouté quelques notes en italiques, pour .servir d'éclaircissements.]

 

A. Le lieu où l'habitation est bastie.

 

L'Eglise et le marché de la basse-ville de Québec remplacent aujourd'hui cette première demeure fixe des Français en Canada.

 

B. Terre deffrichée où l'on seme du bled et autres grains.

 

Ce serait a-peu-près le site occupé maintenant par l’église cans, la salle d'audience, et leurs environs.

 

C. Les Jardinages.

 

Terrains qui se trouvaient autour de l'habitation de 1608 et au bas du Cap-Diamant.

 

D. Petit ruisseau qui vient dedans les marescages.

 

Le même ruisseau est représenté dans le plan de la ville de Québec gui se trouve dans l'Histoire de la Nouvelle-France par le P. Charlevoix. Tom. Ill, page 72. Les "marescages" étaient situés du pied des glacis actuels; le ruisseau coulait (comme il coule encore aujourd'hui, mais dans des canaux fermés) le long des rues St. Louis, du Parloir, des Jardins, et de la Fabrique, delà traversant le jardin de l'Hôtel-Dieu, il allait se jeter au pied du Cap à l'endroit occupé maintenant par l'ancienne brasserie McCallum.

 

E. Rivière où hyverna Jacques Quartier, qui de son temps la nomma Saincte Croix, que l'on a tranférée à 15 lieues au dessus de Quebecq.

 

C'est la Rivière St. Charles; la petite Rivière Lairet qui s'y jette à environ quinze cent verges au-dessus du Pont Dorchester actuel, n'est pas représentée sur la carte de M. de Champlain. Ce fut à l'entrée de cette rivière, comme on le démontrera ci-après, que Jacques Quartier hiverna en 1S35—36.

 

F. Ruisseau des Marais.

 

Ce doit être le ruisseau qui borne actuellement, du côté de l'est, les terres de la Vacherie.

 

G. Le lieu où l'on amassoit des herbages pour le bestail qu'on y avoit mené.

 

Probablement l'espace occupé par les maisons actuelles du Cap, au bas de la Citadelle.

 

H. Le grand Saut de Montmorency qui descent de plus de vingt-cinq brasses de haut dans la rivière.

 

Cette chute a 240 pieds ou 40 brasses de hauteur.

I. Bout de l'Isle d'Orléans.

 

L. Pointe fort estroite du costé de l'Orient de Quebecq.

 

La Pointe-Lévi, autrefois nommée le Cap de Lévi.

 

M. Rivière Bruyante, qui va aux Etchemains.

 

Les Etchemins étaient une tribu sauvage qui descendaient à Québec par la rivière qui porte encore leur nom.

 

N. La grande rivière St. Laurens.

 

O. Lac de la Rivière Bruyante.

 

Ce lac n'existe pas.

 

P. Montaignes qui sont dans les terres. Baye que j'ai nommée la Nouvelle Biscaye.

 

M. de Champlain parle ici du magnifique bassin formé par la côte de Beauport, la Canardière, l'embouchure du St. Charles et le Cap-Diamant. Les montagnes qui dominent le fleuve dans cette partie de son cours, offrent eu petit le même coup-d'oeil que celles de la Biscaye en Espagne.

 

Q. Lac du grand Saut de Montmorency.

 

M. de Champlain a pu facilement croire que le Montmorency traversait le lac de Beauport ou quelque autre lac dans la même direstion.

 

R. Ruisseau de l'Ouest.

 

Aujourd'hui la rivière de Beauport, sur laquelle on voit une distillerie.

 

S. Ruisseau du Gendre.

 

Petit cours d'eau qui fait tourner le moulin de N. D. des Anges.

 

T. Prairies qui sont inondées des eaux à toutes les marées.

 

V. Mont du Gas for haut, sur le bort de la vivière.

 

La Citadelle: on conjecture que M. de Champlain aura ainsi nommé cette eminence en l'honneur de Pierre Du Guas, Sieur des Monts, nommé Lieutenant-général pour le Roi en la Nouvelle France en 1603. Le Sieur de Monts et M. de Champlain firent ensemble la découverte de presque toutes les côtes de l'Acadie en 1606 et en 1607.

 

X. Ruisseau courant, propre à faire toutes sortes de moulins.

 

Le ruisseau St. Denis, qui se précipite le long de la déclivité par où le général Wolfe avec son armée atteignit les plaines d'Abraham. Un moulin à foulons, construit autrefois ici, fit donner à la localité le nom qu'elle porte maintenant ("Les Foulons").

 

C. Coste de gravier, où il se trouve quantité de diamants, un peu meilleurs que ceux d'Alençon.

 

Ces diamants sont d'assez beaux cristaux de quartz que l'on trouve souvent parmi les rochers du Cap.

 

Z. La Pointe aux Diamants.

 

La Pointe-à-Puiscaux; en 1637, un M. de Puiseaux y bâtit une maison de pierres, dont il existait encore des restes il y a peu d'années. Les Dames religieuses de l'Hôtel-Dieu habitèrent pendant quelque temps cet édifice lors de leur arrivée en Canada.

 

9. Lieux où souvent cabannent les Sauvages.

 

Les chiffres montrent les brasses d'eau.

 

[La carte de M. de Champlain représente des pèches tendues, un chasseur sur la grève, et une petite baleine qui joue au milieu du bassin. C'est une manière naïve de dire que la chasse et la pêche étaient alors très-abondantes, et que de gros animaux marins pénétraient de temps en temps dans le fleuve jusqu'à cette distance de la mer.]

 

DU LIEU OU JACQUES QUARTIER HIVERNA EN 1535-36-

 

Extraits de quelques anciens Historiens relativement à la RIVIERE STE. CROIX où Jacques Quartier se fortifia et mit ses vaisseaux en hivernement.

 

 

M. SAMUEL DE CHAMPLAIN.

 

" Plus proche du dit Quebecq, y a une petite rivière qui vient dedans les terres d'un lac distant de notre habitation de six à sept  lieues [1]. Je tiens que dans cette rivière qui est au Nort et un quart du Norouest de nostre habitation, ce fut le lieu où Jacques Quartier yverna, d'autant qu'il y a encores à une lieue dans la rivière des vestiges comme d'une cheminée, dont on a trouvé le fondement, et apparence d'y avoir eu des fossez autour de leur logement, qui estoit petit. Nous trouvasmes aussi de grandes pièces de bois escarries, et quelques 3 ou 4 balles de canon [2]. Toutes ces choses monstrent évidemment que ça esté une habitation, laquelle a esté fondée par des Chrestiens : et ce qui me fait dire et croire que c'est Jacques Quartier, c'est qu'il ne se trouve point qu'aucun aye yverné ny basty en ces lieux que le dit Jacques Quartier au temps de ses découvertures, et falloit, à mon jugement, que ce lieu s'appellast Sainte Croix, comme il l'avoit nommé, que l’on a transféré depuis à un autre lieu qui est à 15 lieues de nostre habitation à l’Ouest[3], " et n'y a pas d'apparence qu'il eut yverné en ce lieu que maintenant on appelle Sainte Croix, n'y en d'autres : d'autant qu'en ce chemin il n'y a rivière ny autres lieux capables de tenir vaisseaux, si ce n'est la grande rivière, ou celle dont j'ai parlé ci-dessus, où de basse mer y a demie brasse d'eau, force rochers et un banc à son entrée[4]. Car de tenir des vaisseaux dans la grande rivière, où il y a de grands " courans, marées et glaces qui charient en yver, ils courroient risque de se perdre ; aussi qu'il y a une pointe de sable qui advance sur la ri vière,[5] qui est remplie de rochers, parmi lesquels nous avons trouvé depuis trois ans un passage qui n'avoit point encore esté descouvert: " mais pour le passer il faut bien prendre son temps, à cause des pointes et dangers qui y sont[6]. Ce lieu est à descouvert des vents de Norouest et la rivière y court comme si c'était un Saut d'eau,[7] et y perd de deux brasses et demie. Il ne s'y voit aucune apparence de bastimens, ny qu'un homme de jugement voulut s'establir en cet endroit, y en ayant beaucoup d'autres meilleurs quand on serait forcé de demeurer. J'ay bien voulu traieter de cecy, d'autant qu'il y en a beaucoup qui croyent que ce lieu fut la résidence du dit Jacques Quartier; ce que je ne croy pas pour les raisons ci-dessus: car le dit Quartier en eut aussi bien fait le discours pour le laisser à la postérité comme il l'a fait de tout ce qu'il a vu et descouvert, et soustiens que mon dire est véritable : ce qui peut se prouver par l'histoire qu'il en a escrite."

 

"Et pour monstrer encore que ce lieu que maintenant on appelle " Saincte Croix n'est le lieu où yverna Jacques Quartier, comme la pluspart estiment, voicy ce qu'il en dit en ses descouvertures, extrait "de son Histoire, à sçavoir : Qu'il arriva à l'Isle aux Coudres le 5e Septembre en l'an 1535, qu'il appella de ce nom pour y en avoir, auquel lieu il y a grand courant de marée, et dit qu'elle contient trois lieues de long, mais quand on comptera lieue et demie, c'est beaucoup."

 

"Et le 7e de ce mois, jour de Nostre-Dame, il partit d'icelle pour aller à mont le fleuve, où il vit 14 Isles distantes de l'Isle aux Coudres de 7 à 8 lieues du Su. En ce compte il s'esgare un peu, car il n'y en a pas plus de trois, et dit que le lieu où sont les Isles susdites est le commencement de la terre ou province de Canada,[8] et qu'il arriva à une Isle de 10 lieues de long et 5 de large, où il se fait une grande pescherie de poisson, comme de fait elle est fort abondante, principalement en esturgeon : mais de ce qui est de sa longueur elle n'a pas plus de six lieues et deux de large, chose maintenant assez cogneue[9]. Il dit aussi qu'il mouilla l'ancre entre icelle isle et la terre du Nort, qui est le plus petit passage et dangéreux, et là mit deux sauvages à terre qu'il avait amenez en France[10], et qu'àprès avoir arresté en ce lieu quelque temps avec les peuples du pays il fit admener ses barques, et passa outre à mont le dit fleuve avec le flot pour chercher havre et lieu de seureté pour mettre les navires, et qu'jls furent outre le fleuve costoyant la dite isle contenant 10 lieues comme il met[11], où au bout ils trouvèrent un affour d'eau[12] fort beau et plaisant, auquel il y a une petite rivière et havre de barre, qu'ils trouvèrent fort propre pour mettre leurs vaisseaux à couvert, et le nommèrent Saincte Croix, pour y estre arrivez ce jour-là, lequel lieu s'appeloit au temps et voyage du dit Quartier Stadaca, [13] que maintenant nous appelons Qpebecq, et qu'après qu'il eust recognu ce lieu, il retourna quérir ses vaisseaux pour y yverner. "

 

" Or, est-il donc à juger, que de l'Isle aux Coudres jusques à l'isle " d'Orléans, il n'y a que 5 lieues, au bout de laquelle vers l'Occident la rivière est fort spacieuse, et n'y a au dit affour, comme l'appelle Quartier, aucune rivière que celle qu'il nomma Saincte Croix, distante de l'Isle d'Orléans d'une bonne lieue, où de basse mer n'y a que demie brasse d'eau, et est fort dangereuse en son entrée pour vaisseaux, y ayant quantité d'esprons qui sont rochers espars, par cy par là [14], et faut balliser pour entrer dedans [15], où de plaine mer, comme j'ai diet, il y a 3 brasses d'eau, et aux grandes marées 4 brasses, et 4 et demie ordinairement à plain flot, et n'est qu'à 1S00 pas de nostre habitation, qui est plus à mont dans la dite rivière; et n'y a autre rivière, comme j'ay dit, depuis le lieu que maintenant on appelle Saincte Croix, où on puisse mettre aucuns vaisseaux ; ce ne sont que de petits ruisseaux; les costes sont plates et dangéreuses, dont Quartier ne fait aucune mention que jusques à ce qu'il partit du lieu de Saincte Croix appelé maintenant Quebecq, où il laissa ses vaisseaux, et y fit édifier son habitation, comme on peut le voir ainsi qu'il s'ensuit. " 

 

"Le 19e Septembre il partit de Saincte Croix où estoient ses vaisseaux, et fit voile pour aller avec la marée à mont le dit fleuve qu'ils trouvèrent fort agréable, tant pour les bois, vignes et habitations qu'il y avoit de son temps, qu'autres choses : et furent poser l'ancre à vingt cinq lieues de l'entrée de la terre du Canada[16], qui est au bout de l'Isle d'Orléans du costé de l'orient, ainsi appelée par le dit Quartier. Ce qu'on appelle aujourd'hui Ste. Croix s'appelait lors Achelacy, destroit de la rivière, fort courant et dangéreux, tant pour les rochers qu'autres choses, et où ne peut passer que de flot, distant de Quebecq et de la rivière où yverna le dit Quartier 15 lieues. "

 

" Or, en toute ceste rivière n'y a destroit depuis Quebecq jusques en grand saut, qu'en ce lieu que maintenant on appelle Saincte Croix[17], où on a transféré ce nom d'un lieu[18] à un autre qui est fort dangéreux[19], comme j'ai descript : et appert fort clairement par son discours que ce n'est point le lieu de son habitation, comme dit est, et que ce fut proche de Quebecq, et qu'aucun n'avoit encore recherché cete particularité, sinon ce que j'ay fait en mes voyages; car dès la première fois qu'on me dit qu'il avoit habité en ce lieu, cela m'estonna fort, ne voyant apparence de rivière pour mettre vaisseaux, comme il descrit. Ce fut ce qui m'en fit faire exacte recherche pour en lever le soubçon et doubte à beaucoup. "

 

CHAMPLAIN.—Voyages, de 1604 à 1613. Liv. II, Chap. IV, pp. 184 — 191. Edition in-4, imprimée à Paris, chez Jean Berjon, 1613.

 

 [LE discours plein d'intérêt qui précède et que l'on a extrait de la rare édition des voyages de M. de Champlain publiée en 1613, se trouve entièrement supprimée dans une édition subséquente, publiée en 1632, sous ce titre: Les voyages de la Nouvelle France Occidentale dicte Canada, faits par le Sieur de Champlain, &c. et toutes les deseouvertures qu'il a faites en ce païs depuis l'an 1603 jusques en l'an 1629. Paris, chez Claude Collet, 1632. In-4.—Cette dernière édition ne donne qu'un récit abrégé de l'arrivée de Jacques Quartier au Canada et de son établissement à la rivière Ste. Croix en 1535 ; on y trouve néanmoins un passage qui indique le lieu précis de son hivernement en 1535-36.]

 

" Les commissions expédiées, Sa Majesté donna la charge au dit Quartier, qui se met en mer avec deux vaisseaux [20] le 16 May 1535, et navigue si heureusement qu'il aborde dans le golfe Sainct Laurent, entre dans la rivière avec ses vaisseaux du port de 800 tonneaux[21], et fait si bien qu'il arrive qusques à une isle qu'il nomma l'Isle d'Orléans, à cent vingt lieues à mont le fleuve. De là va à quelques dix lieues du bout d'amont du dit fleuve à une petite rivière qui assèche presque de basse mer, qu'il nomma Saincte Croix, pour y estre arrivé le jour de l'Exaltation de Saincte Croix: lieu qui s'appelle maintenant la rivière St. Charles, sur laquelle à présent sont logez les Pères Récollets et les Pères Jésuites [22], pour y faire un séminaire à instruire la jeunesse. "

 

" Quartier ayant recogneu, selon son rapport, la difficulté de pouvoir passer les Saults, et comme estant impossible, s'en retourna où estoient ses vaisseaux, où le temps et la saison le pressèrent de telle façon, qu'il fut contraint d'hyverner en la rivière Saincte Croix, en un endroit où maintenant les Pères Jésuites ont leur demeure sur le bord d'une autre petite rivière qui se décharge dans celle de Saincte Croix, appelée la Rivière de Jacques Quartier [23], comme ses relations en ont foy."

 

CHAMPLAIN.—Voyages, de 1603 à 1629, Liv. I, Chap. I. pp. 10e et 11e. Edition in-4, imprimée à Paris chez Claude Collet, 1632.

 

 

JEAN DE LAET.

 

" Avant de poursuivre la description du fleuve du Canada et ses rivages, selon la description des plus modernes écrivains, il ne sera point hors de propos de renouveller la mémoire des plus vieux, et de représenter ce que Jacques Quartier y a remarqué. Iceluy donc comme il fut monté avec ses navires jusqu'à l'Isle de Bacchus, pour le jourd'huy l'Isle d'Orléans, estant un peu plus avancé vers l'Ouest, il rencontra un port fort commode, où il mouilla l'ancre, et lui donna le nom de Sainte Croix. (Champlain s'efforce par plusieurs raisons de prouver que ce lieu est maintenant appelé Québec [24], d'autres sont d'une autre opinion,) où pour lors les Suvages avoient une habitation et un village nommé Stadacona ou Stadaconé: et ayant à cause de l'approche de l'automne donné ordre pour y bastir une maison pour y hyverner, pendant que les ouvriers avançoient la besogne, il entreprit le 19e Septembre 1535 de visiter avec quelques uns de ses gens la rivière plus avant."

 

JEAN DE LAET.—Histoire du Nouveau Monde, Livre II, p. 46, édition de 1641.

 

" A quinze leiues de Québec vers l'ouest, sur l'autre côté de la rivière, y a un autre coin, lequel on appelle encore pour le jourd'huy Sainte Croix qui est le lieu (comme l'on croit) où Quartier hyverna, encore que ce soit un lieu tout sablonneux [25], et exposé à la rigueur du nord-ouest, et où les prairies voisines sont couvertes d'eau à haute marée, et qu'on peut même difficilement aborder, à cause des bancs de rochers et de la rapidité du fleuve." [26]

 

IDEM.—Livre II, p. 48.

 

 

M. BACQUEVILLE DE LA POTHERIE.

 

" Québec est au bout de l'Isle d'Orléans, à deux lieues dans le sud-ouest. Il y a une petite rivière à une demie lieue de là, appelée Cabir-Coubat par les Sauvages, à raison des tours et détours qu'elle fait. Jacques Cartier lui donna le nom de Ste. Croix, parcequ'il y arriva un pareil jour. C'est le premier endroit où il ait hyverné [27]. Elle s'appelle présentement St. Charles, en mémoire de M. Charles des Boues, grand vicaire de Pontoise, fondateur de la première mission des Récollets de la Nouvelle-France. Ils y bâtirent en 1620, un couvent sous le titre de Notre Dame des Anges, dans une espèce de petite Isle où de très belles eaux serpentent. Monseigneur l'Evêque (St. Vallier) a acheté cet emplacement de ces Religieux où il a mis des Hospitalières qui y ont soin de l'Hôpital Général qu'on y a bâti avec une grande magnificence."

 

LA POTHERIE — Voyages de l'Amérique, Tome I, p. 124. Edition de 1722.

 

"Jacques Cartier, pilote de Saint Malo, visita en 1534, toutes les côtes de ce vaste païs [28], et six ans après il hiverna avec Roberval, gentilhomme de Picardie, à dix lieues au-dessus de Québec [29], qui est encore connue sous son nom." [30]

 

IDEM—Tome I, p. 14°.

 

"La rivière de Jacques Cartier est proche des Grondines ; son entrée est remplie de rochers à fleur d'eau. Je touchai un jour à marée basse sur un qui étoit fort pointu. J'étais heureusement dans un canot de bois, et je courus grand risque de me noyer... Comme Jacques Quatier tentoit dans ses premières découvertes tous les plus  beaux endroits du fleuve, il y fit malheureusement naufrage, et fut contraint d'y passer un hyver bien rigoureux [31].

 

" Le Platon de Ste. Croix est un peu plus haut du côté du Sud ; c'est une langue de terre qui est comme un fer à cheval, de seize arpens en superficie, au pied d'une petite montagne faite en amphithéâtre sur le sommet de laquelle est un païs plat, où sont les campagnes de bled. Jacques Cartier jetta les yeux sur ce lieu pour y faire une ville [32].

 

IDEM.—Tome I, p. 282.

 

 

LE R. P. CHARLEVOIX.

 

"De l'Isle de Bacchus (l'Isle d'Orléans) Cartier se rendit dans une petite rivière, qui en est éloignée de dix lieues, et qui vient du nord; il la nomma la rivière de Ste. Croix, parcequ'il y entra le quatorzième de Septembre : on l'appelle communément la rivière de Jacques Cartier [33]. "

 

CHARLEVOIX.—Hist, de la Nouv. France, Tome I, p. 12. Edit, in-4, 1744.

 

"Cartier partit de Ste. Croix le 19e (Septembre) avec la grande Hermine, et deux chaloupes, laissant les deux autres navires dans la rivière de Ste. Croix [34], où la grande Hermine n'avoit pu entrer (a).

 

"(a) Champlain prétend que cette rivière est celle de St. Charles; mais il se trompe, puisque des bâtimens beaucoup plus grands que la grande Hermine, entrent fort bien dans celle-ci quand la marée est haute [35] : c'est qu'il comptoit les dix lieues du bas de l'Isle [36].

 

IDEM.—Tome I, p. 12.

 

"Je trouve clans quelques Mémoires, et c'est une tradition constante en Canada [37] qu'un des trois navires fut brisé contre un rocher, qui est dans le fleuve St-Laurent, vis-à-vis de la rivière de Sainte Croix, et que la marée couvre entièrement lorsqu'elle est haute (b) ; mais la relation d'où j'ai tiré ce récit, ne dit rien de cet accident."

 

"(b) On l'appelle encore présentement la roche de Jacques Cartier."

 

IDEM.—Tome I, p. 13.

 

FIN.

 

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[1] C'est la rivière St. Charles d'aujourd'hui; elle tire en effet sa source d'un lac qui porte le même nom, et qui est situé à environ sept lieues à l'ouest de Québec.

[2] On aperçoit encore aujourd'hui sur la rive gauche de la petite rivière Liret, à l'endroit où elle tombe dans la rivière St. Charles, des traces visibles de larges fossés, ou espèces de retranchemens.

[3] On voit qu du temps même de M. de Champlain la tradition avait placé le lieu où séjourna Jacques Quartier pendant l'hiver de 1535-36, à un endroit sur le côté sud du fleuve St. Laurent, auquel on donna alors, pour cette raison, le nom de Ste. Croix. Cet endroit est situé à douze lieues audessus de Québec; on l'appelle aujourd'hui la Pointe de Ste. Croix ou le Platon de Ste. Croix. Il n'y a aucune rivière dans cet endroit ni dans ses environs, et ce fait seul, à part des autres raisons données par M. de Champlain, aurait dû démontrer aux partisans de cette tradition qu'elle se trouvait en contradiction avec la Relation de Jacques Quartier, laquelle dît expressément qu'il plaça ses vaisseaux " dans une petite rivière qui vient du nord." Aussi par la suite, mais postérieurement à l'époque où M. de Champlain publia ses voyages, a-t-on transféré de nouveau le prétendu lieu de l'hivernement de Jacques Quartier en le plaçant au nord du fleuve, c'est-à-dire, à une rivière située à dix lieues plus haut que Québec. Delà le nom de Jacques Quartier, qu'elle a conservé jusqu'aujourd'hui.

[4] Du temps de M. de Champlain le lit de la rivière St. Charles était embarrassé de rochers énormes, dont beaucoup furent employés vers 1755 à la construction d'une digue pour mettre ne sûreté les bateaux du roi. Depuis plusieurs années cette digue n'est plus visible, étant comprise dans la longueur des quais qui s'avancent maintenant jusqu'u chenal de la rivière. Le "banc" dont il est ici question est probablement la pointe ou batture du bout de l'Isle d'Orléans, qui s'avance fort loin vers la chute de Montmorency.

[5] Cette "pointe de sable" est la Pointe de Ste. Croix ou le Platon de Ste. Croix. Voici ce qu'en dit M. de Champlain dans une autre partie de cette relation: "Nous passames proche de la Pointe de Ste. Croix, où beaucoup tiennent (comme j'ay dit ailleurs) estre la demeure où yverna Jacques Quartier. Cette pointe est de sable, qui advance quelque peu dans la rivière, à l'ouvert du Norouest qui bat dessus."

[6] C'est le rapide du Richelieu qui est en effet rempli de rochers, et le chenal en cet endroit est tortueux et difficile à suivre.

[7] Le Rapide du Richelieu.

[8] Du temps de Jacques Quartier les sauvages ne donnaient en effet au pays le nom de Canada qu'à partir du Cap Tourmente, où l'eau du fleuve St. Laurent commence à être douce.

[9] M. de Champlain donne ici à l'Ile d'Orléans sa véritable étendue.

[10] Ce sont les deux sauvages, Taiguragny et Domagaya que Quartier avait emmenés en France l'année précédente (en 1534).

[11] C'est-à-dire, l'étendue que Jacques Quartier donnait à cette ile.

 

[12] "Affour" ou "affourc," vieux mot qui signifie une baie, ou un bassin, et qui désigne bien l'entrée de la rivière St. Charles.

[13] Ceci n'est pas exact: Quartier dit que le village de Stadca ou Stadaconé était "à une demie lieue de la rivière Ste. Croix" (St. Charles).

[14] Voyez la note (4) où il est aussi question de cet erndroit.

[15] Quartier s'était servi de ce moyen. Voyez p. 35.

 

[16] Ou du Cap Tourmente.

[17] Le Platon de Ste. Croix.

 

[18] La rivière St. Charles.

[19] Le Platon de Ste. Croix.

[20] La flotte de Jacques Quartier était de trois vaisseaux: la Grande Hermine de 120 tonneaux, la Petite Hermine de 60 tonneaux, et le gallion, appelé l'Emérillon, de 40 tonneaux.

[21] Le port de ces trois vaisseaux ensemble n'était que de 220 tonneaux.

[22] Les Récollets arrivèrent dans la Nouvelle-France en 1615. Les Jésuites ne vinrent qu'en 1625, et en 1627 ces Pères commencèrent un établissement sur la rive droite de la petite rivière Lairet, à l'endroit où elle tombe dans la rivière St. Charles. Le passage suivant extrait de l'Histoire du Canada par le P. Sagard, Récollet,, prouve que le lieu choisi par les Jésuites était dès lors connu sous le nom de Fort de Jacques Quartier. "Et en l'an 1627, les Récollets prêtèrent aux Jésuites une charpente pour "estre employée au bastiment qu'ils avaient cornmencé au delà de la petite rivière (St. Charles), à sept ou huit cens pas de nous en un lieu que l'on appelle communément le Fort de Jacques Quartier".— SAGARD, Hist, du Canada, p. 867.

 

 

[23] Ainsi, l'on voit qu'à l'époque ou M. de Champlain publiait cette édition de ses voyages (en 1632), la petite rivière Lairet était appelée la Rivière de Jacques Quartier, et que dès 1627 (voyez la note précédente) le site qui est à l'embou¬chure de cette même rivière était connu sous le nom de Fort de Jacques Quartier.

[24] M. de Champlain s'est plutôt attaché à prouver que ce ne fut pas au sud du fleuve St. Laurent, et à quinze lieues audessus de Québec, que Jacques Quartier hiverna en 1535—36, à l'entrée d'une rivière située dans le voisinage de Québec, et qui vient du nord: rivière à laquelle Jacques Quartier avait donné le nom de "Ste. Croix."

 

[25] Voyez la note 5.

[26] Voyez la note 6.

[27] M, de la Potherie décrit ici en peu de mots et d'une manière fort exacte le lieu de l'hivernement de Jacques Quartier.

 

[28] Cette partie de la relation de M. de la Potherie n'est pas exacte. Jacques Quartier ne remonta le fleuve en 1534 que jusqu'à l'Ile d'Anticosti. Ce ne fut qu'en 1535 qu'il se rendit jusqu'à Québec, et delà à Hochelaga (Montréal).

[29] Dans un troisième voyage que Jacques Quartier fit au Canada en 1540, il parait avoir hiverné à la rivière du Cap-Rouge qui est à environ trois lieues andessus de Québec. M. de Roberval ne vint en Canada qu'en 1542, sans être accompagné de Quartier.

[30] Il est probable que l'auteur disait "dans une rivière qui est encore connue sous ce nom" et que les mots "dans une rivière" auront été omis dans l'impression.

[31] M. de la Potherie est le premier qui ait fait mention d'un naufrage arrivé à Jacques Quartier dans le fleuve St. Laurent, les relations que nous avons de ce navigateur n'en disent pas un seul mot. L'histoire de ce prétendu naufrage tire peut-être sa source de la circonstance fâcheuse où se trouva Jacques Quartier durant son hivernement en 1535 lorsqu'ayant perdu par le scorbut vingt-cinq hommes d'équipage, il se vit contraint d'abandonner un de ses vaisseaux, la Petite Hermine, aux sauvages d'un village voisin, appelé Satadin ou SHadln.— Voyez p. 62

[32] Ce passage se rapporte d'une manière confuse au prétendu hivernement de Jacques Quartier à la Pointe ou Platon de Ste. Croix.

[33] Il faut penser que le R. P. de Charlevoix en rédigeant ce passage n'avait pas sous les yeux la relation de Jacques Quartier ou bien qu'il aura travaillé d'après des mémoires peu exacts; car la description que ce navigateur nous donne du lieu où était située la rivière Ste. Croix est conçue en termes si clairs et précis qu'il est impossible de s'y méprendre. "Et au bout d'icelle (l'Ile d'Orléans) trouvasmes un affourc d'eau fort beau et plaisant, auquel lieu y a une petite riviève . . . nous nommasmes le dit lieu Ste. Croix, &c.—Voyez p. 34. Aucun mot de ce passage ne peut faire entendre que la rivière de Ste. Croix était éloignée de dix lieues de l'Ile d'Orléans, puisqu'il y est dit d'une manière positive que cette rivière était au bout de l'Isle,-

 

[34] Le R. P. de Charlevoix a dû puiser encore ici à quelque source peu correcte, car la relation de Jacques Quartier dit expressément le contraire: "Le seizième du dit mois, (Septembre) nous mismes nos deux plus grands navires (la Grande Hermine et la Petite Hermine) dedans le dit hâble et rivière, où il y a de plaine mer trois brasses, et de basse eau demie brasse, et fut laissé le Gallion (l'Emérillon) dedans la rade pour mener à Hochelaga."—(Voyez p. 36.) " Le lendemain 19e jour du dit mois de Septembre, nous appareillasmes et fismes voile avec le Gallion et les deux barques (chaloupes).—Voley p. 39.

[35] M. de Champlain a dû prétendre que cette rivière de Ste. Croix était celle de St. Charles; mais il n'a parlé nulle part dans sa relation de la difficulté qu'il y avait de placer soit la Grande Hermine soit les autres vaisseaux dans la rivière en question.

[36] M. de Champlain était bien fondé "à compter les dix lieues du bas de l'Isle" (Vile d'Orléans), et en cela il a parfaitement compris le récit de Jacques Quartier: "Et fusmes outre le dit fleuve environ dix lieues, costoyans la dite " Isle (à laquelle il donnait dix lieues) et au bout d'lcelle, &c—Voyez p. 34.

[37] Quant à "la tradition constante" doit il est ici parlé, on peut y opposer le

silence absolu qui règne dans tout le cours des relations de Jacques Quartier

à l'égard de ce prétendu naufrage, dont il n'aurait pas manqué de faire mention

si un pareil malheur lui fut arrivé.

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